Que cherchent les États-Unis avec le pétrole de schiste ? Publié par Realpolitik.tv le 9 janvier 2015 _traduzione in calce

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Que cherchent les États-Unis avec le pétrole de schiste ? Publié par Realpolitik.tv le 9 janvier 2015 dans Articles– 5 commentaires Article paru dans le n°4 de la revue Conflits (janvier-février-mars 2015 – www.revueconflits.com). Auteur : Arnaud Leclercq. Source : arnaudleclercq.com.

Marcellus_Shale_Gas-604x272« La question de l’énergie est centrale. L’Europe doit trouver comment diversifier ses approvisionnements. Les États-Unis ont la chance d’être richement dotés. Accélérer le mouvement serait bon pour l’Union européenne et bon pour l’Amérique… Mon pays a d’ores et déjà accordé des licences d’exportation de gaz de schiste sur des quantités qui équivalent au volume de gaz consommé par l’Europe tout entière.» (Barack Obama)

Dans le contexte de l’annexion de la Crimée par la Russie, ce passage du discours de Barack Obama, le 26 mars 2014 à Bruxelles, a déchaîné l’imagination de certains analystes y voyant un coup décisif porté à la Russie et à ses exportations d’hydrocarbures. Le président de la Commission européenne s’est enthousiasmé : « C’est une bonne idée […] et même une bénédiction pour le monde. » On peut s’étonner que Manuel Barroso laisse ainsi échapper son lyrisme atlantiste sans avoir préalablement réfléchi aux arrière-pensées du président Obama.

Une révolution géopolitique ?

Afin de mieux cerner les enjeux, il convient d’abord de comprendre que l’appellation générique « révolution des schistes » (shale revolution) aux États-Unis concerne bien entendu le gaz mais sans doute plus encore le pétrole, ce qui est fréquemment négligé. Il s’agit d’une véritable renaissance énergétique. À la fin 2013, les réserves de pétrole prouvées aux États-Unis ont atteint un record pour la quatrième année de suite, atteignant leur plus haut niveau depuis 1976. Les réserves de gaz naturel se sont, elles, stabilisées mais à un niveau supérieur de 65 % à celui du début des années 1980. Les États-Unis sont officiellement devenus en octobre 2014 la première puissance énergétique de la planète, devant l’Arabie Saoudite pour le pétrole et la Russie pour le gaz. L’information est lourde de conséquences mais, à ce stade, il serait clairement prématuré d’en déduire un choc géopolitique mondial. Pour l’instant, la révolution des schistes n’a pas perturbé l’équilibre mondial du marché du pétrole. Ces deux dernières années, la croissance de la production américaine a en fait couvert l’augmentation de la demande. En satisfaisant une part non négligeable de sa demande intérieure, le pétrole américain a contribué à une certaine stabilité qui devrait se poursuivre si la situation devait empirer en Irak, au Nigeria et au Venezuela. Cela changera-t-il à l’avenir ? La première conséquence de cette « révolution des schistes » devrait être la chute des importations d’énergie aux États-Unis. Par ailleurs, le pétrole redevenant abondant, les grands acheteurs comme la Chine ou l’Inde se retrouveront en position de force, alors qu’au cours des dix dernières années, le pouvoir de négociation se trouvait du côté des producteurs profitant de la demande croissante des émergents. C’est là un enjeu commercial et géopolitique crucial notamment pour la Russie et les pays producteurs d’Afrique.

Un jeu subtil

La grande question qui fait actuellement débat aux États-Unis est la levée de l’interdiction d’exporter du pétrole qui est en place depuis la pénurie de 1976. Pourtant, n’en déplaise à Manuel Barroso, si les États-Unis lèvent cette interdiction, cela n’aura pas grand-chose à voir avec la démocratie, la crise ukrainienne ou l’islamisme rampant au Maghreb et dans le Golfe. Comme souvent avec les États-Unis, au-delà des principes philosophiques de liberté, les motivations sont plus pragmatiques. La dépendance énergétique des États-Unis, calculée en divisant les importations nettes par la consommation totale d’énergie, était de 30 % en 2006, puis elle a chuté à 20 % en 2012. Elle devrait se limiter à 6% en 2020 et à 3% en 2035. Cela ne veut pas dire que le pays cessera totalement d’importer. Le pétrole obtenu grâce aux techniques dites non conventionnelles de fracturation hydraulique ou de forage horizontal est dit « léger ». Ce sont donc les importations de ce type de pétrole, principalement en provenance de l’Afrique de l’Ouest, qui chuteront de façon dramatique. Par ailleurs, les raffineries américaines sont équipées pour être alimentées en pétrole «lourd» en provenance d’Arabie Saoudite, du Mexique ou du Venezuela. En d’autres termes, les États-Unis resteront un important client de ces fournisseurs traditionnels. Les prédictions sont cependant difficiles car l’abondance d’énergie et son bas prix doperont la croissance, ce qui devrait augmenter la consommation de pétrole et de gaz aux États-Unis. Le taux de dépendance énergétique pourrait donc se révéler plus important que prévu. Par ailleurs, la baisse des prix de l’énergie pose le problème de la rentabilité des nouveaux gisements. Dans beaucoup de cas, les coûts sont élevés et, si le baril de pétrole tombe durablement en-dessous de 100 dollars le baril, la mise en valeur des réserves coûtera trop cher et pourrait être ralentie. On ne peut exclure que la révolution des gaz de schiste se dégonfle dans un avenir proche, ce que Washington ne prend pas en compte pour l’instant. Ainsi l’équilibre entre offre et demande est instable et se modifie avec le niveau des prix. Le jeu des États-Unis doit donc être subtil et le pétrole de schiste est loin de représenter une arme absolue.

Un enjeu géopolitique ou économique ?

Différents think tanks, tant démocrates que républicains, font actuellement un lobbying intense à Washington en faveur des exportations de pétrole. Premier argument : cette décision engendrera une croissance économique vertueuse. D’ici à 2039, la richesse intérieure qui serait créée est évaluée entre 600 milliards et 1,8 trillion de dollars suivant la rapidité de la décision prise par le Congrès et la Maison-Blanche. Deuxième argument : la production de pétrole léger aux États-Unis devrait atteindre son pic en 2015. Il faut donc faire vite afin de capter des parts de marché. Troisième argument : le citoyen américain devrait profiter pleinement d’une augmentation de ses revenus et d’une baisse simultanée des coûts de l’énergie. On le voit, les motivations relèvent de la politique intérieure ; mais elles influenceront la politique étrangère de Washington. Comme Barack Obama a commencé à le faire à Bruxelles, l’Amérique mettra en action tous ses relais directs et indirects pour ce grand enjeu du XXIème siècle. De façon traditionnelle, elle se positionnera en chantre de la liberté du commerce, mais plus encore en partenaire fiable par rapport à d’autres comme exportateurs d’énergie considérés instables – le Venezuela, le Nigeria ou les nations du Moyen-Orient. Les États-Unis viseront plus spécifiquement les marchés européen et asiatique. Or l’Europe est un marché quasi captif de la Russie (30 % de la consommation en gaz y est assurée par cette dernière) tandis que l’Asie constitue la priorité stratégique définie par Vladimir Poutine. Ostraciser Moscou offre donc un intérêt économique évident : évincer le concurrent russe de ces deux marchés afin de s’y installer. Il n’est donc pas interdit de s’autoriser une lecture mercantile de l’évolution de la crise ukrainienne. Pour ces deux zones géographiques, les règles d’importation seront largement assouplies grâce au Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement – PTCI – avec l’Europe et à l’accord de Partenariat trans-Pacifique – avec l’Asie orientale –, lesquels sont négociés actuellement et simultanément avec les États-Unis. Certes, il faudra quelques années pour régler les questions réglementaires et logistiques, mais le gaz américain se prépare à être exporté vers l’Europe en vastes quantités et ce n’est qu’une question de temps, sans doute bref, pour le pétrole. La révolution du pétrole de schiste ne va donc pas modifier la carte géopolitique mondiale ; c’est l’instrumentalisation de la géopolitique qui modifiera la carte du marché de l’énergie. Et, si les concurrents d’Uncle Sam ne trouvent pas d’autres débouchés et subissent de plein fouet la baisse de leurs recettes d’exportation, la réussite des États-Unis sera totale. Arnaud Leclercq

A cosa mirano gli Stati Uniti con il petrolio di scisto? Pubblicato da Realpolitik.tv 9 gennaio 2015 in articoli – 5 commenti   Articolo in n ° 4 dei Conflitti giornale (Jan-Feb-Mar 2015 – www.revueconflits.com ). Autore: Arnaud Leclercq. Fonte: arnaudleclercq.com .  

“La questione dell’energia è centrale. L’Europa deve trovare il modo di diversificare le proprie forniture. Gli Stati Uniti hanno la possibilità di esserne riccamente dotata. Accelerare la mossa sarebbe un bene per l’Unione europea e buono per l’America … Il mio paese ha già concesso licenze di esportazione di gas di scisto per  quantitativi equivalenti al volume di gas consumato da dall’intera Europa. “(Barack Obama)

Nel contesto della annessione della Crimea da parte della Russia, questo passaggio del discorso di Barack Obama, il 26 marzo 2014 a Bruxelles, ha scatenato la fantasia di alcuni analisti nel vederlo come un colpo decisivo alla Russia e alle sue esportazioni di idrocarburi. Il presidente della Commissione Europea con entusiasmo: “E’ una buona idea […] e anche una benedizione per il mondo.” Ci si può sorprendere che Manuel Barroso scivoli così nel suo lirismo atlantista senza alcuna riflessione preliminare sul retropensiero del Presidente Obama.

Rivoluzione geopolitica?  

Per discernere meglio le dinamiche, è necessario prima capire che il termine generico “rivoluzione degli scisti” (shale revolution) negli Stati Uniti, riguarda ovviamente il gas, ma senza dubbio ancor più il petrolio, aspetto spesso trascurato . Si tratta di un vero e proprio rinascimento energetico. Alla fine del 2013, le riserve di petrolio accertate degli Stati Uniti hanno raggiunto un record per il quarto anno consecutivo, conseguendo il livello più alto dal 1976. Le riserve di gas naturale si sono stabilizzate, ma a un livello superiore al 65% rispetto ai primi anni ’80. Gli Stati Uniti sono diventati ufficialmente, ad ottobre 2014, la prima potenza energetica al mondo, davanti a Arabia Saudita per il petrolio e la Russia per il gas. L’informazione è gravida di conseguenze, ma in questa fase sarebbe chiaramente prematuro dedurne uno shock geopolitico globale. Al momento, la rivoluzione degli scisti non ha sconvolto l’equilibrio del mercato mondiale del petrolio. Negli ultimi due anni, la crescita della produzione degli Stati Uniti ha in realtà coperto l’aumento della domanda. Soddisfacendo una parte non trascurabile della propria domanda interna, il greggio statunitense ha contribuito ad una certa stabilità, destinata a protrarsi nel caso la situazione dovesse peggiorare in Iraq, Nigeria e Venezuela. La situazione cambierà in futuro? La prima conseguenza di questa “rivoluzione dello shale” dovrebbe essere la caduta delle importazioni di energia negli Stati Uniti. Inoltre, con il ritorno dell’abbondanza di petrolio, i grandi acquirenti come la Cina e l’India si ritrovano in una posizione di forza, quando nel corso degli ultimi dieci anni, il potere contrattuale volgeva a favore dei produttori in grado di sfruttare la crescente domanda emergente. Questo è un problema commerciale e geopolitico importante in particolare per Russia e produttori africani.

Un gioco sottile

Il grande quesito attualmente in discussione negli Stati Uniti è l’abolizione del divieto di esportazione di petrolio, in vigore dal 1976. Senza dispiacere a Manuel Barroso, l’eventuale revoca del divieto non avrà molto a che fare con la democrazia, la crisi ucraina o  l’islamismo rampante in Nord Africa e nel Golfo. Come spesso accade con gli Stati Uniti, al di là dei principi filosofici di libertà, le motivazioni sono più pragmatiche. La dipendenza energetica degli Stati Uniti, calcolata rapportando le importazioni nette con il consumo totale di energia, è stata del 30% nel 2006, per poi scendere al 20% nel 2012. Si dovrebbe limitare al 6% nel 2020 e 3% nel 2035. Ciò non significa che il paese interromperà completamente le importazioni. Il petrolio ottenuto attraverso tecniche non convenzionali chiamate fratturazione idraulica o perforazione orizzontale è di qualità “leggera”. Saranno quindi le importazioni di questo tipo di olio, principalmente provenienti dall’Africa occidentale, che caleranno drasticamente. Inoltre, le raffinerie statunitensi sono attrezzate per essere alimentate con olio “pesante” proveniente da Arabia Saudita, Messico e Venezuela. In altre parole, gli Stati Uniti rimarranno un importante cliente di questi fornitori tradizionali. Le previsioni sono difficili, però, perché l’abbondanza di energia e il suo basso alimenteranno la crescita, con il conseguente incremento di consumo di petrolio e di gas negli Stati Uniti. Il tasso di dipendenza energetica potrebbe quindi rivelarsi maggiore del previsto. Inoltre, il calo dei prezzi energetici pone il problema della redditività di nuovi giacimenti. In molti casi i costi sono alti, e se il barile di petrolio dovesse scendere permanentemente sotto i 100 dollari, la valorizzazione delle riserve sarà troppo costosa e potrebbe essere rallentata. Non possiamo escludere che la rivoluzione dello shale gas si sgonfi in un prossimo futuro, evento che Washington non prende in considerazione per ora. Così l’equilibrio tra domanda e offerta è instabile e cambia con il livello dei prezzi. Il gioco degli Stati Uniti deve essere sottile e il petrolio di scisto è ben lungi dal rappresentare un arma assoluta.

Questione geopolitica o economica?

Vari centri di riflessione, sia democratici che repubblicani, svolgono attualmente intensa attività di lobbying a Washington in favore delle esportazioni di petrolio. Primo argomento: questa decisione genererà una crescita economica virtuosa. Da qui al 2039, la ricchezza interna che si verrebbe a creare è stimata tra 600 e 1,8 miliardi di dollari a seconda della rapidità della decisione presa dal Congresso e dalla Casa Bianca. Seconda tesi: la produzione di petrolio leggero negli Stati Uniti dovrebbe raggiungere il suo picco nel 2015. Si deve quindi agire rapidamente per acquisire quote di mercato. Terzo argomento: il cittadino degli Stati Uniti dovrebbe godere di un aumento dei ricavi e una contemporanea diminuzione dei costi energetici. Come si vede, le motivazioni muovono dalle ragioni della politica interna; ma essi influenzeranno la politica estera statunitense. Come Barack Obama ha iniziato a fare a Bruxelles, l’America disporrà in campo tutta la sua capacità di relazione diretta e indiretta per questa grande sfida del XXI secolo. Tradizionalmente, si posizionerà come campione del libero commercio, ma ancora di più come un partner affidabile in relazione ad altri esportatori di energia considerati instabili – il Venezuela, la Nigeria e le nazioni del Medio Oriente. Gli Stati Uniti si concentreranno in particolare sui mercati europei e asiatici. Ora l’Europa è un mercato quasi prigioniero della Russia (30% del consumo di gas è garantita da quest’ultima), mentre l’Asia costituisce la priorità strategica impostata da Vladimir Putin. Ostracizzare Mosca offre quindi un evidente interesse economico: spodestare il concorrente russo dai due mercati e stabilirvisi in loro vece. Non è vietato autorizzare una lettura mercantile dell’evoluzione della crisi in Ucraina. Per queste due aree geografiche, le regole di importazione saranno in gran parte facilitate grazie al partenariato transatlantico di commercio e di investimento – PTCI – con l’Europa e all’accordo di partenariato Trans-Pacific – con l’Asia orientale – i quali sono in corso di negoziazione attualmente in contemporanea con gli Stati Uniti. Certo, ci vorranno diversi anni per regolare le questioni normative e logistiche, ma gli Stati Uniti si stanno preparando per l’esportazione di gas verso l’Europa in grandi quantità ed è solo una questione di tempo, probabilmente a breve, per il petrolio. La rivoluzione del petrolio di scisto non cambierà quindi la mappa geopolitica globale; è la strumentalizzazione della geopolitica che cambierà la mappa del mercato dell’energia. E se i concorrenti dello zio Sam non riescono a trovare altri sbocchi e subiranno il peso del calo dei proventi da esportazione, il successo degli Stati Uniti sarà completo. Arnaud Leclercq