(II) Légalité, légitimité et les apories de Carl Schmitt (con traduzione in italiano)

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27 janvier 2013

Par Jacques Sapirhttp://russeurope.hypotheses.org/765

Traduzione in italiano di Roberto Buffagni

Cette note s’insère dans une série de papiers consacrés au problème de la légitimité et de la légalité. Elle fait suite à (I) Comment sommes-nous dépossédés de la démocratie.

La formulation légaliste, “est juste tout ce qui a été décidé au sein de règles définies” est typique du positivisme juridique. Or, et on l’a déjà évoqué, on peut concevoir que ce qui est légal soit injuste, autrement dit que le respect des règles soit insuffisant pour fonder l’autorité d’une décision ou pour fonder l’autorité d’une agence dont le rôle est de faire appliquer des décisions. La distinction entre le légal (que l’on peut tester en justice) et le juste (que l’on doit tester en justesse) implique de penser la notion de légitimité. Pour comprendre toute l’importance de cette notion de légitimité, il faut quitter, un instant, le domaine de l’économie. Une incursion dans le domaine juridique s’impose. Elle conduit à examiner la critique que produisit Carl Schmitt de la démocratie « légaliste ».

Dans son ouvrage Légalité, Légitimité[1], C. Schmitt défend l’impérieuse nécessité de distinguer le juste du légal. Pour cela, il articule une critique du libéralisme sur une critique des fondements du légalisme démocratique[2]. Cette attaque contre la démocratie et le pouvoir de la majorité permet de comprendre ce qu’il vise. Il faut commencer par présenter cette critique, en peser la pertinence et les limites, pour reformuler ensuite une vision de la démocratie qui ne tomberait pas sous le feu de celles des critiques qui sont justifiées et montrer que la notion de légitimité est non seulement compatible, mais en réalité nécessaire à la compréhension de la démocratie.

La critique schmittienne de la démocratie « légaliste »

Pour conduire sa critique de la démocratie, Schmitt entend enfermer les formes politiques présentes et passées dans quatre idéaux-types que sont l’État Législateur, l’État juridictionnel, l’État gouvernemental et l’État administratif. L’État législateur est alors défini comme la forme achevée d’expression de l’idée de normes générales et impersonnelles. Le pouvoir a cessé d’être celui des hommes pour devenir celui des lois, mais les lois ne “règnent” pas, elles s’imposent comme des normes générales. On est bien en présence d’un dépolitisation totale.

Selon le principe fondamental de la légalité ou conformité à la loi, qui régit toute l’activité de l’État, on arrive en fin de compte à écarter toute maîtrise et tout commandement, car ce n’est que d’une manière impersonnelle que le droit positif entre en vigueur. la légalité de tous les actes d gouvernement forme le critère de l’État Législateur. Un système légal complet érige en dogme le principe de la soumission et de l’obéissance et supprime tout droit d’opposition. En un mot, le droit se manifeste par la loi, et le pouvoir de coercition de l’État trouve sa justification dans la légalité[3].

Le légalisme est ainsi présenté comme un système total, imperméable à toute contestation. Pour appuyer son argumentation, Schmitt récuse rapidement les anciennes distinctions, comme Pouvoir souverain/Société, autorité/liberté. Ceci le conduit à considérer que les modèles traditionnels, développés par Platon et Aristote, parce qu’ils sont des États sans administrations, ne sont pas des États, et par voie de conséquence sont inaptes à penser le monde moderne[4]. Le système des idéaux-types est lui-même développé comme une suite de couples opposés. L’État Législateur (le modèle de la démocratie légaliste) s’oppose ainsi à l’État gouvernemental (celui du Souverain tout puissant), de même que l’État Juridictionnel (le pouvoir du juge), s’oppose à l’État Administratif (celui de la bureaucratie). La mise en place des plans économiques (en particulier en URSS) traduit, pour Schmitt, la transformation de l’État moderne en un État Administratif, qui devient un État totalitaire en cela que ses attributions sont totales. Cette dernière affirmation prend la planification réelle comme le produit d’un exercice en rationalité, alors qu’en réalité elle fut, dans le cas de l’URSS, un exercice en pouvoir personnel[5]. Les couples d’opposition entre idéaux-types renvoient à d’autres oppositions, qui ne sont pas moins importantes. La définition que Schmitt donne des caractéristiques de ses modèles étatiques permet de distinguer des espaces politiques différents. À un espace où domine la décision, et auquel correspondent tant l’État Gouvernemental que l’État Administratif, s’oppose un espace régit par des normes immanentes, techniques ou métaphysiques. Cet espace correspond à la fois à l’État Juridictionnel, l’État des juges, qu’à l’État Législateur. En même temps, on repère un espace où l’État est nécessairement impersonnel, et dans lequel on trouve l’État Législateur comme l’État Administratif et un espace où l’État est fortement centré sur la personne du dirigeant et qui correspond tout autant à l’État Gouvernemental qu’à l’État Juridictionnel.

Cette double opposition entre normes et décision d’une part, et entre personnalisation et dépersonnalisation du pouvoir n’est pas moins importante que celle entre les formes d’État pour comprendre la démarche de Carl Schmitt.

La critique de la démocratie

Ayant développé ce système de classification, Schmitt concentre un certain nombre de critiques sur l’État Législateur, car pour lui ce dernier symbolise le point d’aboutissement des régimes de démocratie parlementaire et du libéralisme. Ces critiques révèlent une troisième opposition, qui s’explicite progressivement : celle entre légalité et légitimité, cette dernière notion renvoyant chez Schmitt à un droit naturel à l’évidence d’ordre transcendantal.

…notre époque est fortement dominée par une fiction, celle de la légalité, et cette croyance dans un système de légalité rigoureuse s’oppose manifestement et d’une manière très nette à la légitimité de toute volonté apparente et inspirée par le droit[6].

Schmitt considère ainsi que le parlementarisme libéral créé les conditions pour que la légalité supplante la légitimité, et le pouvoir de la majorité, le droit. Le formalisme qui en découle est, selon lui, la manifestation de cette fiction de la légalité, et il aboutit à ruiner l’État législateur lui-même[7]. En effet, un tel État est en permanence menacé de dissolution par les conflits issus de la participation des masses à la politique[8]. Schmitt pourrait en effet s’accommoder d’un État Législateur s’il n’était pas démocratique, mais il remarque que si un tel État est démocratique, alors la volonté du peuple se confond avec l’état de droit, et l’État n’est plus limité par la loi, il cesse d’appartenir au modèle de l’État Législateur.

Ceci provient du fait que, dans la théorie libérale, une loi est légale si elle a été élaborée et mise en oeuvre dans les procédures fixées par la loi. Cette situation autoréférentielle va concentrer, à juste titre, les critiques de Schmitt. Il se dégage de cette critique une nette préférence pour l’État Juridictionnel, car intrinsèquement conservateur. Il y a là une intéressante préfiguration des thèses qui seront celles de Hayek dans son ouvrage tardif The Political Order of a Free People[9], et qui semblent lier ces deux auteurs pourtant en apparence si opposés[10]. Cependant, Schmitt est aussi conscient que le pouvoir du juge implique l’homogénéité des représentations. Ceci n’est possible que dans ce qu’il qualifie alors de situation “calme” ou “normale”. On retrouve ici un problème présent chez Bourdieu dans sa notion d’habitus en économie.

Si tel n’est pas le cas, si les représentations ne sont pas homogènes, ce qui survient en période de crise, cette forme d’État n’est pas possible. Dès lors, face à ce que Schmitt considère comme la « fiction » de l’État Législateur, l’autre forme d’État qui réussit à maintenir un lien avec la “réalité matérielle” et ne succombe pas au formalisme est l’État Administratif. Ce dernier ne saurait par ailleurs procéder de la légalité. Il est gouverné par l’objectivité, le fait indiscutable, et l’objectivité ne peut se constituer en loi[11].

La critique en formalisme, en coupure avec le “monde réel”, constitue alors l’angle d’attaque contre la démocratie que Schmitt va privilégier. Il envisage ici les conceptions idéalistes de la démocratie parlementaire où dominent l’idée de l’homogénéité et de la bonté des participants. Si tel était le cas, alors la question de la légitimité serait rapidement réglée. En effet, la légitimité est importante car dans toute loi il y a à la fois une maxime de droit (un contenu) et un commandement, et ce dernier est un empiétement sur la liberté des individus. Une société où, effectivement, tous les participants seraient homogènes et bons, aurait par nécessité un législateur empreint de l’équité et de l’esprit de raison suffisant pour donner aux lois leur légitimité.

Il est alors facile à Schmitt d’ironiser sur la démocratie réelle, ses majorités de circonstances, qui pourtant sont toutes supposées être en mesure d’exprimer des lois à l’emprise totale sur la société. Le glissement réel (et oserait-on dire réaliste) de la notion de volonté du peuple à celle de volonté momentanée de ses représentants n’est supportable que si les représentants sont en harmonie avec le peuple et ce dernier intrinsèquement bon[12]. Si le peuple n’est ni bon, ni uni, ni homogène, alors la règle majoritaire est la fin de la raison et de la justice[13]. Il faut donc brider l’action des majorités par une référence à un idéal intangible qui, pour lui, découle de son catholicisme.

Schmitt va, dans la foulée, présenter une nouvelle critique contre la démocratie parlementaire. Cette fois il s’attaque aux conditions de fonctionnement du système et à sa capacité à valider ses propres principes. Ayant considéré qu’il a établi un risque majeur d’illégitimité de la loi démocratique, Schmitt fait néanmoins cette concession à la démocratie parlementaire que, si existe la concurrence la plus libre entre toutes les opinions, alors effectivement une majorité est représentative du peuple. Mais, il y a une objection fondamentale. Le principe majoritaire est dans son essence contraire à une telle concurrence, car une majorité domine pleinement ou pas du tout. Or, si la majorité domine pleinement, on ne peut plus penser qu’il y a libre concurrence des opinions. La minorité est toujours défavorisée. Pourtant, cette dernière ne peut se défendre, si elle accepte de se situer dans la logique légaliste de l’État Législateur. En effet, dès lors que le respect des formes définit simultanément la légalité et la légitimité d’un acte, tout ce qui a été décidé par une majorité est légitime.

Il en découle que, par hypothèse, il ne saurait y avoir de tyrannie dans un tel système, car le pouvoir y respecte toujours les formes légales. Le concept de tyrannie, et donc de légitimité de la désobéissance, n’est plus pensable dans ces conditions. Il impliquerait que l’on oppose aux lois de la démocratie celles d’un Droit, métaphysique. C’est Antigone affrontant Créon.

Le privilège de mettre en oeuvre la loi existante confère à la majorité la possession légale de la puissance publique; par là elle dispose d’un pouvoir politique qui dépasse de beaucoup la simple valeur de la loi[14].

Il y a donc une contradiction fondamentale dans la démocratie. Un État Législateur parlementaire qui renoncerait formellement au principe de la libre concurrence ne pourrait être démocratique. Mais, la présomption légale dont bénéficie la majorité détruit le principe même de la libre concurrence, qui devient un principe purement formel du fait même du fonctionnement de la règle majoritaire[15].

Le formalisme juridique et son cousin, l’irréalisme de l’économie néoclassique

La critique que Schmitt argumente contre la démocratie est double. Elle est à la fois une critique en immoralité (on ne peut plus distinguer le juste du légal) et en impossibilité (les conditions de mise en oeuvre sont contradictoires avec les principes fondateurs).

En fait, et contrairement à l’ordre de présentation des arguments dans Légalité et Légitimité, cette seconde critique fonde en réalité la première. C’est parce que la démocratie parlementaire ne peut fonctionner dans le monde réel comme dans le modèle idéal, que surgit le problème de la distinction entre légalité et légitimité. Alors surgit l’immoralité d’un système qui prétend être à lui-même sa seule justification, et a rompu avec les bases du Droit. Si l’on récuse les visions idéalistes du peuple uni, homogène et bon, et si l’on refuse aussi la fétichisation de la liberté individuelle, on sort du modèle idéaliste qui est l’objet des critiques de Schmitt. Cela ne signifie pas cependant que ses critiques puissent être écartées d’un simple revers de la main, mais l’argumentation de Schmitt perd de sa force comme de sa cohérence.

Le refus des bases catholiques antidémocratiques qui fondent pour Schmitt la supériorité du Droit sur la décision majoritaire n’est pas un argument suffisant en soi pour prétendre à une réfutation de son argumentation. Il est certainement inacceptable de prétendre établir en raisonnement scientifique ce qui est acte de foi. Une croyance métaphysique ne peut être respectée que si elle se donne pour ce qu’elle est. Mais, toute tentative pour faire jouer à une croyance religieuse le rôle d’un argument scientifique, que ce soit dans ce contexte précis avec la notion de Droit immanent ou dans celui de l’harmonisation des intérêts privés par la Main Invisible, refiguration de Dieu chez A. Smith, pour ne pas parler des meta-valeurs kantiennes invoquées par Hayek, est parfaitement irrecevable. On ne peut introduire dans une discussion des éléments d’argumentation qui par définition ne peuvent être discutés. Ainsi, la dimension théologique de l’analyse constitutionnelle chez Schmitt doit être rejetée, comme d’ailleurs toute dimension théologique en sciences sociales. Pour autant, cela ne signifie pas que tout le raisonnement soit ici réductible à cette dimension théologique. Il y a chez Carl Schmitt des éléments d’analyse réaliste qui nécessitent discussion et peuvent être profitables pour tenter de mieux comprendre le rapport entre règles d’organisation et règles de fonctionnement. Son refus d’une naturalisation de la politique est incontestablement un élément critique positif, même si il le fonde, bien à tort, dans un fétichisme de la force.

La nécessaire distinction entre légalité et légitimité est un point sur lequel Schmitt a touché juste. L’absence de distinction entre les deux notions dans le libéralisme moderne courant, et sa fétichisation de l’état de droit comme état de légalité, est certainement une des tendances les plus dangereuses pour la démocratie elle-même. La dénonciation du formalisme de la démocratie parlementaire par C. Schmitt interpelle, parce qu’il s’attaque à des conceptions qui, en un sens, sont tout autant idéalistes que les siennes, mais sans en avoir la cohérence. La question implicitement posée est alors de savoir s’il est possible d’aboutir à une formulation qui ne soit ni formaliste ni métaphysique du problème de la légitimité. Comment peut-on distinguer le juste du légal sans invoquer des principes qui ne peuvent être l’objet de discussion car ils relèvent de la croyance. Ceci ne peut, on le verra, qu’en introduisant la notion de souveraineté.

La loi, la contestation de la loi et la légitimité

Dans sa présentation de l’État Législateur, l’idéal-type utilisé implique une hypothèse de complétude. Pour pouvoir, ainsi que Schmitt l’affirme, exclure toute action discrétionnaire et ne se laisser guider que par la loi, il faut que cette dernière ait intégré la totalité des états du monde présents et à venir. Si la loi n’est pas complète, si elle n’a pas tout prévu, elle devient contestable, soit dans la maxime de droit dont elle est porteuse soit dans le commandement qui la caractérise. Cette contestation doit pouvoir se résoudre de manière positive. Il faudra donc pouvoir modifier la loi ou l’interpréter. Or, elle ne peut être modifiée ou interprétée que par une création, un acte d’imagination, qui par là échappe donc à la lettre de la loi.

Admette l’incomplétude des lois implique donc de définir qui pourra contester ainsi que les principes au nom desquels la modification ou l’interprétation pourra avoir lieu. Devoir déjà discuter de l’esprit d’un acte législatif fait sortir du cadre de l’application mécanique et dépersonnalisée qui est celui de l’État Législateur. On sort d’un système de normes pour revenir vers un système de décisions politiques.

La complétude impliquerait, quant à elle, la perfection. Un législateur ne peut produire des lois complètes (tout a été prévu) que s’il est parfait, au sens de sa capacité à disposer d’une information parfaite. On est ici – surprise, surprise – en présence d’un modèle congruent au modèle néoclassique en matière d’hypothèses sur la nature des agents, de l’information et des décisions. La loi, dans l’État-législateur, est l’équivalent du contrat parfait et complet du modèle walrasien en économie. Dans un tel modèle, les institutions comme les organisations sont inutiles et nuisibles. Voici donc pourquoi ce modèle de l’État-législateur est en réalité un anti-État, un système anti-politique.

Si, maintenant, on lève dans le domaine du droit cette hypothèse de perfection, et donc aussi celle de complétude au nom du réalisme, on établit un parallèle saisissant avec l’évolution d’une partie de la pensée économique. On procède de la même manière qu’en ce qui concerne les hypothèses d’information parfaite ou de connaissance complète. Ces dernières ont été levées dans le cadre de l’Équilibre Général, ou même réfutée (Hayek), avec des résultats dévastateurs sur la possibilité même d’un équilibre. Les économistes commencent d’ailleurs à prendre le droit au sérieux dès qu’il sortent de l’Équilibre Général.

Si les contrats ne sont ni parfaits ni complets, des disputes entre contractants deviennent inévitables. Sur quelles bases de tels conflits peuvent-ils être réglés? la réponse, logique et évidente consiste à mobiliser un système d’institutions, incluant par exemple le droit de propriété et les instruments capables de vérifier un tel droit. Voici pourquoi de plus en plus nombreux sont les économistes standards qui font de l’état de droit une des conditions fondamentales du bon fonctionnement d’une économie de marché. Le problème est qu’ils ne voient pas les conséquences ultimes de leur rupture avec l’hypothèse de l’information parfaite.

En effet, il ne suffit pas de réintroduire formellement la notion d’institution pour être quitte. De même que dans les lois on a un principe de droit et un commandement, dans une institution nous avons une référence au droit et des moyens de coercition. L’usage de la coercition pose immédiatement la question de savoir au nom de quoi et au nom de qui on exerce cette violence. Quant au droit invoqué, est-il simplement l’expression d’une majorité ou renvoie-t-il à des principes distincts? On retrouve immédiatement la question de la distinction entre la légalité et la légitimité, mais à celle-ci une autre vient de s’ajouter: celle de la souveraineté. Il faut donc pouvoir aller au bout du raisonnement. ce n’est pas simple pour les économistes car ils sont toujours porteurs d’un modèle implicite de la loi parfaite tant qu’ils n’ont pas pleinement rompu avec l’orthodoxie économique.

La loi parfaite et la monnaie totale

Dans le domaine du droit, si on récuse les hypothèses irréalistes quant à l’information parfaite et complète, la légalité stricte ne saurait être toujours et partout la seule justification des actes de l’État. D’autres sources de justification sont nécessaires, ce qui conduit à aborder la question d’une légitimité qui ne peut procéder de la seule légalité. On peut donc déjà noter qu’une critique en réalisme parallèle à celle qui s’impose en économie fait émerger la distinction légalité/légitimité avant même que de procéder à la critique des visions idéalistes de la démocratie.

Cependant, le parallélisme entre pensée économique et pensée juridique ne s’arrête pas là. Il faut alors être conscient de l’importante similitude entre l’État Législateur schmittien et une économie monétaire parfaite.

Les caractéristiques du système, en particulier la dépersonnalisation fondamentale de l’action et le rôle des normes, sont ici voisines de celles de l’économie monétaire parfaite décrite par G. Simmel[16]. D’une part la monnaie établit la possibilité de l’échange parfaitement impersonnel, une relation qui abolit la distinction ami/ennemi et fait de l’”étranger” le partenaire idéal[17]. D’autre part la monnaie engendre progressivement un système cohérent de normes qui la mettent au centre des représentations des acteurs, par sa capacité apparente à tout rendre équivalent. La fonction essentielle de la monnaie est ici celle de l’Unité de Compte. Si tout cela était vrai et suffisant, alors une solution comme le Currency Board (ou Conseil Monétaire), qui vise justement à préserver avant tout la stabilité de l’unité de compte, serait justifiée. Le modèle de l’économie monétaire parfaite chez Simmel est congruent à des Constitutions économiques, au moins en ce qui concerne la gestion de la monnaie.

Mais, et c’est une chose que les épigones de Simmel oublient souvent, dans le même temps où il formule ce modèle d’une économie monétaire parfaite, il est conscient de l’impossibilité d’un tel monde. Dans la seconde partie de son ouvrage, Simmel analyse la dimension culturelle de la monnaie. Il y montre, alors, qu’une société dominée par une économie monétaire parfaite devrait être régulée par le calcul mathématique appliqué de manière continue et systématique[18]. Ceci n’est autre que le mythe de la rationalité maximisatrice considérée comme forme unique de la rationalité, cher aux partisans de l’Équilibre Général, et qui a été invalidé par les travaux de Herbert Simon, d’Amos Tversky et de Daniel Kahneman. On sait bien, d’ailleurs, qu’établir la rationalité maximisatrice comme seule forme de rationalité implique de supposer l’information parfaite, la connaissance totale ou l’état stationnaire de la société. En fait, Simmel était parfaitement conscient de cela, même si son vocabulaire différait à l’évidence de celui des travaux contemporains. C’est ce qui le conduisait à refuser l’idée d’une économie monétaire parfaite comme possible modèle normatif pour les économies réelles. Voilà pourquoi il affirme aussi la présence, aux côtés de la monnaie, d’autres liens sociaux et d’autres institutions. Simmel était conscient qu’une société dont le ciment ne serait pas un ensemble d’institutions combinées et inter-agissantes, qui ne sauraient alors être séparées les unes des autres dans l’analyse, ne pourrait aboutir qu’à l’anomie[19].

Si l’on considère maintenant le modèle de l’État Législateur dans la perspective de cette analyse, il apparaît clairement que cet idéal-type constitue le modèle politique implicite ou explicite d’une économie monétaire parfaite. C’est un monde totalement gouverné par le calcul rationnel, et dominé par un étalon absolu, la monnaie Unité de Compte. L’absence de toute décision dans la société (l’application des lois dans ce modèle ne constitue plus une décision en ceci que ces lois ne reflètent plus un choix de l’acteur) créé les conditions pour que la monnaie apparaisse comme le seul lien social.

Ceci est exactement le fétichisme de la monnaie, tel qu’il décrit par Marx dans Le Capital. Les imaginaires politiques et économiques communient ici dans des visions étroitement complémentaires. Inversement, si on veut placer la monnaie au centre de tous les liens sociaux, et lui subordonner tous les autres, il faut supposer un système politique dont la décision (au sens de choix) soit exclue. On est logiquement conduit à l’État Législateur, avec sa confusion entre légalité et légitimité.

Cette convergence ne fait qu’exprimer l’évidence suivante; si réellement nous pouvions tout calculer et aboutir à une et une seule solution optimale, cette solution serait par essence la seule que nous puissions adopter. Ni le choix, au sens d’une alternative entre options soit équivalentes soit incomparables, ni la création ne sont possibles dans un tel monde. Les actes des décideurs politiques peuvent y être considérés comme a-politiques. Ils ne traduisent plus des arbitrages entre des conflits d’intérêts ou d’opinions. Dans un monde où à chaque problème correspond une et une seule solution, ni le débat ni le pluralisme n’ont de sens. Les agents, supposés eux-mêmes rationnels dans la définition néoclassiques, n’ont aucune raison de se révolter contre un tel système. L’hypothèse d’information parfaite bien constitue les lois en l’équivalent de contrats économiques au sens walrasien. Ce sont donc des en lois parfaites et complètes, dont les résultats se suffisent à eux mêmes. Dans ces conditions parler de légitimité n’a plus de sens.

Le retour au réel et la nécessaire contestabilité des règles

Dès que l’on se situe dans une perspective réaliste, au sens que l’on a donné à ce terme, les termes du problème vont radicalement changer. Si la connaissance des agents est locale et limitée, dans un univers non-stationnaire, le problème initial devient celui de la contestabilité potentielle de toute décision. Schmitt, quant à lui, en est bien conscient. Il montre que la non-contestabilité des actes gouvernementaux ne peut reposer, sauf dans le cas extrême de l’État Gouvernemental, que sur une norme. Celle-ci peut alors être la Loi, le Droit ou une rationalité technique. Ce sont ces normes qui font des actes gouvernementaux des actes a-politiques, dans le sens où ils ne font plus références aux conflits d’intérêts et d’opinions. Seulement, pour établir une telle normativité, il faut réunir simultanément deux conditions (sauf à supposer l’homogénéité totale des agents):

  • (a) Il doit y avoir un accord qui soit à la fois général et permanent sur la norme.
  • (b) Il doit y avoir une capacité à lire la totalité des effets de l’acte dans les termes de la norme adoptée, et ce quelle que soit cette dernière[20].

En fait, la présence simultanée de ces conditions n’est pas évidente. Les conditions nécessaires révèlent les fondements des imaginaires politiques qu’il faut mobiliser pour aboutir à une dépolitisation de l’action gouvernementale, et en particulier économique. Si on suppose la présence d’une norme saturante, Droit Divin, Raison Immanente ou Déterminisme Naturel, partagée par tous les participants alors par définition (a) implique (b). Seulement, on est renvoyé ici à l’irrecevabilité principielle de toute introduction d’éléments métaphysiques comme argument scientifique, outre le fait que l’existence de telles normes est plus que douteuse. Si tous les participants ne sont pas, dès l’origine, convaincus par une même norme, satisfaire (a) implique de convaincre la totalité de la population de la pertinence d’une telle norme saturante. Comme cette dernière ne peut être discutée, car elle relève de la croyance, le mécanisme de la conviction prend nécessairement la forme d’une opposition croyants/incroyants, avec tout ce qui peut en découler. On glisse en effet du registre de la conviction à celui de la conversion avec, suivant les goûts, inquisition, buchers, goulags…

Si la norme n’est pas saturante, il faut reconnaître qu’elle devient testable, même de manière limitée. Cette testabilité doit se manifester soit en cohérence soit en réalisme[21]. Dans ce cas, (a) dépend de (b), au sens où si (b) n’est pas possible, (a) devient par définition impossible. Si la totalité des effets d’un acte ne peuvent être lus dans les termes d’une norme, alors cette dernière ne peut constituer la base d’un accord général. Or, cette possibilité de lire la totalité des effets revient, une fois encore, à supposer soit l’information parfaite, soit la connaissance illimitée, soit l’état stationnaire. On est ici en présence d’argumentations contraires très fortes, que ce soit celles de Hayek ou celles de son opposant dans le débat Plan/Marché, Otto Neurath[22]. Admettre l’impossibilité de lire la totalité des effets d’un acte, admettre donc les fameux effets non-intentionnels familiers à qui lit Hayek[23], revient à admettre l’impossibilité de satisfaire (b) et donc (a). Il faut donc renoncer à l’idée d’actes totalement fondés sur des normes et réintroduire la politique à travers les conflits d’évaluation, conflits qui reflètent les oppositions d’intérêts et d’opinions.

Il est ici un paradoxe ironique que de constater que la fidélité à certaines des thèses de l’école autrichienne, et en particulier de Hayek, conduit justement à réfuter son projet de dépolitisation de l’économie. Son honnêteté de chercheur le conduisait à réfuter à juste raison les hypothèses d’information ou de connaissance parfaite. Sa posture politique de prophète libéral le conduisait à vouloir réduire le plus possible l’espace du choix politique. Il ne sortit de cette contradiction vers la fin de sa vie que par un acte rendant incohérent tout ses travaux antérieurs, la revendication de normes immanentes. De même, on voit bien que dès que l’on sort des hypothèses métaphysiques sous-jacentes à l’exposé de C. Schmitt, son argumentation même nous ramène au point qu’il voulait justement exclure, le débat entre Prince et Peuple comme source de légitimité. Les actes légaux redeviennent alors des décisions.

* * * * *

Ainsi, la critique schmittienne d’une certaine conception de la démocratie fait exploser le mythe du légalisme autoréférentiel, tout comme la critique hayekienne de la planification centralisée a fait exploser le mythe de l’équilibre néoclassique. Dès, lors, tout économiste qui se pose la question des institutions, des règles, et des relations que les unes et les autres entretiennent avec les communautés humaines qu’elles organisent ne peut refuser de voir l’importance primordiale de la notion de légitimité. Accepter cela implique d’aller plus loin, et de comprendre comment et pourquoi légitimité et souveraineté sont des notions centrales et liées.

Lire la note précédente : (I) Comment sommes-nous dépossédés de la démocratie

Lire la suite : (III) Légalité, légitimité et l’ordre démocratique et (IV) Ordre démocratique, entre dictature, tyrannie et rébellion légitime.

Citation

Jacques Sapir, “(II) Légalité, légitimité et les apories de Carl Schmitt”, billet publié sur le carnet Russeurope le 27/01/2013, URL: http://russeurope.hypotheses.org/765


[1] C. Schmitt, Légalité, Légitimité, traduit de l’allemand par W. Gueydan de Roussel, Librairie générale de Droit et Jurisprudence, Paris, 1936; édition allemande, 1932.

[2] C. Schmitt, Légalité, Légitimité, op.cit..

[3] idem, p. 40

[4] Idem, p. 47

[5] Voir J. Sapir (ed), Retour sur l’URSS – Histoire, Économie, Société, l’Harmattan, Paris 1997.

[6] C. Schmitt, Légalité, Légitimité, op.cit., p. 46.

[7] Idem, pp. 50-51.

[8] P. Hirst, “Carl Schmitt’s Decisionism” in C. Mouffe, (ed.), The Challenge of Carl Schmitt, Verson, Londres, 1999, pp. 7-17.

[9] F.A. Hayek, The Political Order of a Free People, Law, Legislation and Liberty, vol 3, Univ. Of Chicago Press, 1979, Chicago, Ill..

[10] A ce sujet voir la très pertinente critique de R. Bellamy, “Dethroning Politics: Liberalism, Constitutionalism and Democracy in the Thought of F.A. Hayek”, in British Journal of Political science, vol. 24, part. 4, Octobre 1994, pp. 419-441

[11] C. Schmitt, Légalité, Légitimité, op.cit., p. pp. 52-53.

[12] Idem, pp. 65-69.

[13] Idem, p. 73-54.

[14] Idem, pp. 78-79.

[15] Idem, pp. 80-86.

[16] G. Simmel, Philosophy of Money, Routledge, Londres, 1978; publié originellement sous le titre Philosophie des Geldes, 1900.

[17] Idem, p. 227.

[18] Idem, pp. 443-444.

[19] C. Deutschmann, “Monney as a Social Construction: on the Actuality of Marx and Simmel”, Thesis Eleven, n°47, novembre 1996, pp. 1-20.

[20] C. Schmitt, Légalité, Légitimité, op.cit., p. 49.

[21] J. Sapir, “Calculer, comparer, discuter: apologie pour une méthodologie ouverte en économie”, op.cit..

[22] O. Neurath parle ainsi d’une intelligence lacunaire dans sa critique du rationalisme. Voir O. Neurath, “Les voyageurs égarés de Descartes et le motif auxiliaire”, traduction de F. Willmann, in Cahiers de Philosophie du Langage n°2 – Otto Neurath, un philosophe entre science et guerre , L’Harmattan , Paris, 1997, pp. 19-34.

[23] En particulier F.A. Hayek, The Constitution of Liberty , University of Chicago Press, Chicago, 1960.

 

Legalità, legittimità e le aporie di Carl Schmitt

di Jacques Sapir

 La formulazione legalistica, “è giusto tutto ciò che sia stato deciso all’interno di regole definite” è tipica del positivismo giuridico. Ora, e ne abbiamo già accennato, è possibile concepire che ciò che è legale sia ingiusto, in altre parole che il rispetto delle regole sia insufficiente a fondare l’autorità di una decisione, o a fondare l’autorità di un agente che abbia il ruolo di mettere in atto decisioni.  La distinzione fra legale (che si può vagliare in sede giudiziaria) e giusto (che si deve vagliare alla luce della giustizia) importa pensare la nozione di legittimità. Per comprendere tutta l’importanza di questa nozione di legittimità dobbiamo abbandonare, per un momento, il dominio economico: è necessaria un’incursione nel dominio giuridico, che ci porta a esaminare la critica portata da Carl Schmitt alla democrazia “legalistica”.

Nella sua opera Legalità e legittimità [i], Schmitt difende l’imperiosa necessità di distinguere il giusto dal legale. A questo scopo, articola una critica del liberalismo su una critica dei fondamenti del legalismo democratico[ii]. Questo attacco alla democrazia e al potere della maggioranza consente di comprendere a quale scopo miri. Bisogna anzitutto presentare questa critica, soppesarne la pertinenza e i limiti, per riformulare poi una visione della democrazia che non cada sotto il fuoco delle critiche che si dimostrino motivate, e mostrare che la nozione di legittimità non solo è compatibile, ma in realtà necessaria alla comprensione della democrazia.

La critica schmittiana alla democrazia “legalistica”

Per articolare la sua critica della democrazia, Schmitt delimita le forme politiche presenti e passate in quattro idealtipi: lo Stato legislatore, lo Stato giurisdizionale, lo Stato governativo e lo Stato amministrativo. Lo Stato legislatore viene definito come la forma d’espressione compiuta dell’idea di norme generali e impersonali. Il potere non è più potere degli uomini, ed è divenuto potere delle leggi, ma le leggi non “regnano”, esse si impongono come norme generali. Ci troviamo di fronte a una spoliticizzazione totale.

“Secondo il principio fondamentale delle legalità o della conformità alla legge, che regge tutta l’attività dello Stato, si giunge in fin dei conti a rifiutare ogni forma di controllo e di comando, perché il diritto positivo entra in vigore in modo affatto impersonale. La legalità di tutti gli atti di governo forma il criterio dello Stato Legislatore. Un sistema legale completo erige in dogma il principio della sottomissione e dell’obbedienza, e sopprime ogni diritto d’opposizione. In una parola, il diritto si manifesta per mezzo della legge, e il potere di coercizione dello Stato trova la sua giustificazione nella legalità.[iii]

Il legalismo viene dunque presentato come un sistema totale, impermeabile a ogni contestazione. Per corroborare la sua argomentazione, Schmitt rifiuta rapidamente le distinzioni antiche, quali Potere sovrano/Società, autorità/libertà. Ciò che lo conduce a considerare che i modelli tradizionali, sviluppati da Platone e Aristotele, essendo Stati senza amministrazione, non sono Stati, e di conseguenza inadatti a pensare il mondo moderno.[iv] Il sistema degli idealtipi è anch’esso pensato come una serie di coppie di opposti. Lo Stato Legislatore (il modello della democrazia legalistica) si oppone così allo Stato governativo (quello del Sovrano onnipotente), come lo Stato Giurisdizionale (il potere del giudice) si oppone allo Stato Amministrativo (il potere della burocrazia). La messa in opera dei piani economici (in particolare in URSS) traduce, per Schmitt, la trasformazione dello Stato moderno in Stato amministrativo, che diviene Stato totalitario in quanto le sue prerogative sono totali. Quest’ultima affermazione interpreta la pianificazione, così come si verificò nell’effettualità storica, per un’applicazione del metodo razionale, quando in realtà essa fu, nel caso dell’URSS, una manifestazione di potere personale[v]. Le coppie di opposti fra idealtipi rinviano ad altre opposizioni, che non sono meno importanti. La definizione che dà Schmitt delle caratteristiche dei suoi modelli di Stato consente di distinguere spazi politici differenti. A uno spazio in cui domina la decisione, e al quale corrispondono sia lo Stato Governativo sia lo Stato Amministrativo, s’oppone uno spazio retto da norme immanenti, tecniche o metafisiche. Questo spazio corrisponde insieme sia allo Stato Giurisdizionale, lo Stato dei giudici, sia allo Stato Legislatore. Allo stesso tempo, si individua uno spazio in cui lo Stato è necessariamente impersonale, e nel quale si ritrovano tanto lo Stato Legislatore quanto lo Stato Amministrativo, e uno spazio nel quale lo Stato è fortemente incentrato sulla persona del dirigente, e che corrisponde così allo Stato Governativo come allo Stato Giurisdizionale.

Questa doppia opposizione fra norma e decisione d’un canto, tra personalizzazione e spersonalizzazione del potere dall’altro, non è meno importante di quella tra le forme di Stato, per comprendere l’approccio di Carl Schmitt.

La critica della democrazia

Dopo aver sviluppato questo sistema di classificazione, Schmitt concentra un certo numero di critiche sullo Stato Legislatore, perché esso, a suo avviso, simboleggia il punto d’arrivo dei regimi democratico-parlamentari e del liberalismo. Queste critiche rivelano una terza opposizione, che si esplicita gradualmente: quella fra legalità e legittimità, nozione, quest’ultima, che in Schmitt rinvia a un diritto naturale d’ordine palesemente trascendente.

“…la nostra epoca è fortemente dominata da una finzione, quella della legalità, e tale credenza in un sistema di rigorosa legalità si oppone manifestamente, nel modo più netto, alla legittimità di ogni volontà ragionevole e ispirata dal diritto…” [vi]

Schmitt argomenta così che il parlamentarismo liberale crea le condizioni in ragion delle quali la legalità soppianta la legittimità, e il potere della maggioranza il diritto. Il formalismo che ne consegue è, a suo avviso, la manifestazione di questa finzione di legalità, e conduce alla rovina lo stesso Stato Legislatore.[vii] In effetti, uno Stato così ordinato è sempre minacciato di dissoluzione dai conflitti che conseguono dalla partecipazione delle masse alla politica.[viii] Schmitt potrebbe rassegnarsi a uno Stato legislatore se non fosse democratico, ma egli sottolinea che se un tale Stato è anche democratico, allora la volontà popolare si confonde con lo Stato di diritto, e lo Stato non essendo più limitato dalla legge, cessa di corrispondere al modello di Stato Legislatore.

Questa posizione deriva dal fatto che, nella teoria liberale, una legge è legale se è stata elaborata e varata nelle procedure stabilite dalla legge. L’autoreferenzialità di questa situazione concentra, a giusto titolo, le critiche di Schmitt. Da queste critiche consegue una netta preferenza per lo Stato Giurisdizionale, perché intrinsecamente conservatore. C’è, qui, un’interessante prefigurazione delle tesi che saranno esposte da Hayek nella sua opera della vecchiaia The Political Order of a Free People[ix], e che sembra collegare questi autori apparentemente tanto inconciliabili[x]. Però, Schmitt è consapevole che il potere del giudice implica l’omogeneità delle rappresentazioni. Questo non è possibile altrimenti che in quella che egli definisce situazione “calma” o “normale”. Si ritrova qui un problema presente in Bourdieu, nella sua nozione di “habitus” in economia.

Se non è questo il caso, se le rappresentazioni non sono omogenee – come avviene in periodi di crisi – questa forma di Stato non è possibile. Pertanto, di fronte a quella che Schmitt ritiene “la finzione” dello Stato Legislatore, l’altra forma di Stato che riesce a mantenere un legame con la “realtà materiale” e non soccombe al formalismo è lo Stato Amministrativo. Il quale non può, d’altronde, derivare dalla legalità. Esso è governato dall’obiettività, dal fatto indiscutibile,  e l’obiettività non può costituirsi in legge.[xi]

La critica di formalismo, di distacco dal “mondo reale”, costituisce dunque la direttrice d’attacco alla democrazia che Schmitt privilegerà. Egli prende di mira, qui, le concezioni di democrazia parlamentare in cui dominano l’idea dell’omogeneità e della bontà dei partecipanti. Se si desse questo caso, la questione della legittimità si risolverebbe rapidamente. In effetti, la questione della legittimità è importante perché in ogni legge c’è contemporaneamente una massima del diritto (un contenuto) e un comando, e quest’ultimo è una diminuzione della libertà degli individui. Una società nella quale tutti i partecipanti fossero effettivamente omogenei e buoni, avrebbe necessariamente un legislatore informato dell’equanimità e della ragionevolezza sufficienti a conferire legittimità alle leggi.

E’ allora facile, per Schmitt, fare dell’ironia sulla democrazia reale e le sue maggioranze opportunistiche, che tuttavia si presumono sempre capaci di esprimere leggi che esercitano un totale predominio sulla società. La deriva reale (e siamo tentati di aggiungere, realistica) dalla nozione di volontà del popolo a quella di volontà contingente dei suoi rappresentanti è tollerabile solo se i rappresentanti sono in armonia con il popolo, e il popolo è buono.[xii] Se il popolo non è né buono, né unito, né omogeneo, allora la regola maggioritaria segna la fine della giustizia e della ragione.[xiii] Bisogna dunque imbrigliare l’azione delle maggioranze per mezzo d’un riferimento a un ideale intangibile, che per Schmitt, deriva dal suo cattolicismo.

Proseguendo l’argomentazione, Schmitt propone una nuova critica alla democrazia parlamentare. Stavolta affronta le condizioni di funzionamento del sistema e la sua capacità di convalidare i propri principi. Sebbene abbia valutato che la legge democratica incorre in un grave rischio di illegittimità, Schmitt fa una concessione alla democrazia parlamentare: che qualora vi si dia concorrenza davvero libera fra tutte le opinioni, allora, in effetti, la maggioranza rappresenterà la maggioranza del popolo. Ma c’è un’obiezione fondamentale. Il principio maggioritario è per essenza contrario a tale libera concorrenza, perché una maggioranza o domina pienamente o non domina affatto. Ora, se la maggioranza domina pienamente, non si può più pensare che vi sia libera concorrenza delle opinioni. La minoranza è sempre sfavorita. Pertanto, essa non può difendersi, se accetta di porsi nella logica legalistica dello Stato legislatore. In effetti, una volta che il rispetto delle forme definisce simultaneamente  legalità e legittimità di un atto, tutto ciò che sia stato deciso da una maggioranza è legittimo.

Ne consegue, che, per ipotesi, in questo sistema non potrebbe darsi tirannia, perché il potere rispetta sempre le forme legali. Il concetto di tirannia, e dunque la legittimità della disobbedienza, in queste condizioni non è più pensabile. Importerebbe che alle leggi della democrazia si opponessero le leggi di un Diritto metafisico. E’ Antigone al cospetto di Creonte.

“Il privilegio di mettere in opera la legge esistente conferisce alla maggioranza il possesso legale della potenza pubblica; per mezzo della quale essa dispone di un potere politico che supera di gran lunga il semplice valore della legge”[xiv]

Nella democrazia, dunque, è insita una contraddizione fondamentale. Uno Stato Legislatore fondamentale che rinunciasse formalmente al principio della libera concorrenza non potrebbe essere democratico. Ma il presupposto di legalità di cui beneficia la maggioranza distrugge il principio di libera concorrenza, che diviene principio puramente formale in ragione del semplice funzionamento della regola maggioritaria.[xv]

Il formalismo giuridico e suo cugino, l’antirealismo dell’economia neoclassica

La critica di Schmitt contro la democrazia è duplice. Essa è insieme una critica di immoralità (non si può più distinguere il giusto dal legale) e di impossibilità (le condizioni dell’operatività sono contraddittorie rispetto ai principi fondamentali)

In effetti, e contrariamente all’ordine di presentazione degli argomenti in Legalità e legittimità, la seconda critica fonda la prima. E’ perché la democrazia parlamentare non può funzionare nel mondo reale come nel modello ideale, che sorge il problema della distinzione fra legalità e legittimità. Allora ne consegue l’immoralità di un sistema che pretende di essere unica giustificazione a se stesso, e che ha rotto con le basi stesse del Diritto. Se si ricusano le visioni idealistiche del popolo unito, omogeneo e buono, e se si rifiuta anche l’erezione a feticcio della libertà individuale, si esce dal modello idealistico che è oggetto delle critiche di Schmitt. Ciò non significa che le sue critiche possano essere scartate alla leggera, ma l’argomentazione di Schmitt perde sia in forza sia in coerenza.

Il rifiuto delle basi cattoliche che fondano, in Schmitt, la superiorità del Diritto sulla decisione maggioritaria, non è un’argomentazione sufficiente, di per sé, a confutare i suoi argomenti. E’ certo inaccettabile la pretesa di fondare un ragionamento che si vuole scientifico su un atto di fede. Una credenza metafisica è rispettabile solo se si presenta per quel che è. Ma ogni tentativo di far assumere a una credenza religiosa il ruolo di argomento scientifico, che sia in questo preciso contesto con la nozione di Diritto immanente o in quello dell’armonizzazione degli interessi privati per mezzo della Mano Invisibile, raffigurazione di Dio in Adam Smith, per tacere dei meta-valori kantiani in Hayek, è affatto inaccettabile. Non si possono introdurre in una discussione argomenti per definizione indiscutibili. Così, la dimensione teologica dell’analisi costituzionale in Schmitt deve essere respinta, come d’altronde ogni dimensione teologica nel campo delle scienze sociali. Ciò non significa che tutto il ragionamento sia riducibile a questa dimensione teologica. In Carl Schmitt ci sono elementi di analisi realistica che esigono d’esser discussi, e possono dimostrarsi utili per tentar di comprendere meglio il rapporto fra regole di organizzazione e regole di funzionamento. Il suo rifiuto di una naturalizzazione della politica è, incontestabilmente, uno spunto critico positivo, anche s’egli ha torto di fondarlo su una sorta di feticismo della forza.

La necessaria distinzione fra legalità e legittimità è un punto sul quale Schmitt ha avuto ragione di insistere. L’assenza di distinzione fra le due nozioni nel moderno, corrente liberalismo, e la sua erezione in feticcio dello Stato di diritto come Stato della legalità, è certo una delle tendenze più pericolose per la democrazia stessa. La denuncia schmittiana del formalismo della democrazia parlamentare ci riguarda, perché Schmitt affronta concezioni che, in un certo senso, non sono meno idealistiche delle sue, ma senza possederne la coerenza. La domanda che implicitamente si pone è dunque se sia possibile giungere a una definizione né formalista né metafisica del problema della legittimità. Come si possa distinguere il giusto dal legale senza invocare principi che non possono formare oggetto di discussione perché pertengono alla dimensione della credenza. Ciò non si può fare, come vedremo in seguito, che introducendo la nozione di sovranità.

La legge, la contestazione della legge e la legittimità

Nella sua presentazione dello Stato Legislatore, l’idealtipo utilizzato implica un’ipotesi di completezza. Per poter escludere, come Schmitt afferma, ogni azione discrezionale e non lasciarsi guidare che dalla legge, è indispensabile che essa abbia integrato la totalità dei modi di essere del mondo presenti e futuri. Se la legge non è completa, se essa non ha previsto tutto, diviene contestabile, sia nella massima di diritto che essa contiene, sia nel comando che la caratterizza. Questa contestazione deve potersi risolvere in modo positivo. Dovrà dunque essere possibile modificare la legge, o interpretarla. Ora, essa non può essere modificata o interpretata se non attraverso una creazione, un atto dell’immaginazione, che in quanto tale sfugge alla lettera della legge.

Ammettere l’incompletezza delle leggi importa dunque definire sia chi potrà contestarle, sia i principi in ordine ai quali potranno effettuarsi tanto l’interpretazione, quanto la modifica della legge. Il semplice obbligo di discutere lo spirito di un atto legislativo fa uscire dal quadro dell’applicazione meccanica e spersonalizzata proprio allo Stato Legislatore. Si esce da un sistema di norme per ritornare verso un sistema di decisioni politiche.

La completezza, poi, in quanto tale importerebbe la perfezione. Un legislatore non può produrre leggi complete (tutto è stato già previsto) a meno che non sia perfetto, nel senso di esser capace di disporre di un’informazione perfetta. E qui ci troviamo di fronte – sorpresa, sorpresa! – a un modello corrispondente al modello economico neoclassico in materia di ipotesi sulla natura degli agenti, dell’informazione e delle decisioni. La legge, nello Stato Legislatore, è l’equivalente del contratto perfetto e completo del modello walrasiano in economia. In un modello così concepito, le istituzioni e le organizzazioni sono inutili e nocive. Ecco perché questo modello dello Stato Legislatore è in realtà un antistato, un sistema antipolitico.

Se ora, in nome del realismo, espungiamo dal dominio del diritto questa ipotesi di perfezione, e di conseguenza quella di completezza, stabiliamo un parallelismo impressionante con l’evoluzione d’una parte del pensiero economico. Si procede allo stesso modo per quanto concerne le ipotesi d’informazione perfetta o di conoscenza completa. Queste ultime sono state espunte dal quadro dell’Equilibrio Generale, o persino confutate (Hayek) con risultati devastanti sulla possibilità stessa di un equilibrio. D’altronde, gli economisti cominciano a prendere sul serio il diritto quando escono dal quadro dell’Equilibrio Generale.

Se i contratti non sono né perfetti né completi, le dispute tra contraenti divengono inevitabili. Su quali basi possono essere risolte? La risposta logica ed evidente consiste nel mobilitare un sistema di istituzioni, che includa ad esempio il diritto di proprietà e gli strumenti capaci di verificarlo. Ecco perché sono sempre più numerosi gli economisti standard che fanno dello Stato di diritto una delle condizioni fondamentali per il buon funzionamento di un’economia di mercato. Il problema è che non vedono le conseguenze ultime del loro abbandono dell’ipotesi dell’informazione perfetta.

In effetti, non basta reintrodurre formalmente la nozione di istituzione per cavarsela. Come nelle leggi c’è un principio di diritto e un comando, in un’istituzione abbiamo un riferimento al diritto e dei mezzi di coercizione. Il ricorso alla coercizione solleva immediatamente la questione di sapere in nome di che cosa e in nome di chi si esercita questa violenza. Quanto al diritto che si invoca, esso è semplicemente l’espressione di una maggioranza o rinvia a principi eterogenei?  Ritroviamo immediatamente il problema della distinzione tra legalità e legittimità, ma ad esso se ne aggiunge un altro: quello della sovranità. Bisogna dunque andare a fondo del ragionamento. Non è semplice, per gli economisti, perché sono sempre portatori inconsapevoli di un modello di legge perfetta, finché non hanno completamente abbandonato l’ortodossia economica.

La legge perfetta e la moneta totale

Nel dominio del diritto, se si respingono le ipotesi antirealistiche di un’informazione perfetta e completa, la stretta legalità non potrà mai essere, sempre e in ogni situazione, l’unica giustificazione delle azioni dello Stato. Sono indispensabili altre giustificazioni, il che ci porta ad affrontare la questione di una legittimità che non può procedere dalla sola legalità. Possiamo dunque osservare che una critica di tipo realistico parallela a quella che s’impone nel dominio dell’economia fa emergere la distinzione legalità/legittimità prima ancora che si proceda alla critica delle visioni idealistiche della democrazia.

Ciononostante, il parallelismo tra pensiero economico e pensiero giuridico non si ferma qui. Bisogna allora prender coscienza dell’importante somiglianza tra lo Stato Legislatore schmittiano e un’economia monetaria perfetta.

Le caratteristiche del sistema, in particolare la spersonalizzazione fondamentale dell’azione e il ruolo delle norme, sono vicine a quelle dell’economia monetaria perfetta descritta da G. Simmel[xvi]. Da un canto la moneta fonda la possibilità dello scambio perfettamente impersonale, una relazione che abolisce la distinzione amico/nemico e fa dello “straniero” il partner ideale[xvii]. Dall’altro, la moneta genera progressivamente un sistema coerente di norme che la mettono al centro delle rappresentazioni degli attori, in ragione della sua apparente capacità di rendere tutto equivalente. La funzione essenziale della moneta è qui quella dell’Unità di Conto. Se tutto ciò fosse vero e sufficiente, allora una soluzione come il Currency Board (o Consiglio Monetario), che mira appunto a preservare anzitutto la stabilità dell’unità di conto, sarebbe giustificata. Il modello dell’economia monetaria perfetta in Simmel è adeguato a Costituzioni di tipo economico, almeno in ciò che concerne la gestione della moneta.

Ma Simmel – cosa che i suoi epigoni dimenticano spesso – mentre formula questo modello di economia perfetta, è consapevole che si tratta di un mondo impossibile. Nella seconda parte della sua opera, Simmel analizza la dimensione culturale della moneta. E dimostra che una società dominata da un’economia monetaria perfetta dovrebbe essere regolata dal calcolo matematico applicato in modo continuo e sistematico[xviii]. Cioè a dire, null’altro che il mito della razionalità massimizzante considerata come forma unica della razionalità, caro ai partigiani dell’Equilibrio Generale, e che è stato confutato dalle opere di Herbert Simon, Amos Tversky e Daniel Kahneman. Si sa bene, d’altronde, che stabilire la razionalità massimizzante come unica forma di razionalità presuppone l’informazione perfetta, la conoscenza totale o uno stato stazionario della società. In realtà, Simmel ne era perfettamente consapevole, anche se il suo vocabolario è, evidentemente, diverso da quello in uso nei lavori contemporanei. E’ questo, che lo portava a rifiutare l’idea di un’economia monetaria perfetta come possibile modello normativo ad uso delle economie reali. Ecco perché Simmel afferma l’esistenza, accanto alla moneta, di altri tipi di legame sociale e di altre istituzioni. Simmel era consapevole che una società il cui cemento non sia un insieme di istituzioni combinate e interagenti, e che dunque non è possibile isolare l’una dall’altra nell’analisi, non potrebbe condurre che all’anomia[xix].

Se ora consideriamo il modello dello Stato Legislatore nella prospettiva di questa analisi, si manifesta chiaramente che questo idealtipo costituisce il modello implicito o esplicito di un’economia monetaria perfetta. E’ un mondo totalmente governato dal calcolo razionale, e dominato da uno standard [étalon] assoluto, la moneta Unità di Conto. L’assenza di qualsivoglia decisione nella società (l’applicazione delle leggi in questo modello non costituisce più una decisione, in quanto questo tipo di leggi non riflette più la scelta di un attore) crea le condizioni perché la moneta appaia l’unico legame sociale.

Questo è esattamente il feticismo del denaro, come lo descrive Marx ne Il Capitale. I due immaginari politico ed economico comunicano, qui, attraverso visioni strettamente complementari. Reciprocamente, se si vuole porre la moneta al centro di tutti i legami sociali, e subordinare ad essa tutti gli altri legami, bisogna supporre un sistema politico dal quale la decisione (nel senso di scelta) sia esclusa. Ciò che logicamente conduce allo Stato Legislatore, con la sua confusione fra legalità e legittimità.

Questa convergenza non fa che manifestare l’evidenza seguente: se realmente noi potessimo calcolare tutto e giungere a una ed unica soluzione ottimale, detta soluzione sarebbe l’unica che potremmo adottare. In un mondo simile, né la scelta, nel senso di alternativa fra opzioni sia equivalenti sia incommensurabili, né la creazione sono possibili. Gli atti del decisore politico possono essere considerati come a-politici. Non traducono più degli arbitrati fra conflitti d’interesse o d’opinione. In un mondo in cui a ciascun problema corrisponde una e una sola soluzione, né il dibattito né il pluralismo hanno più senso. Gli agenti, supposti razionali anch’essi nella definizione neoclassica, non hanno alcuna ragione di ribellarsi contro un simile sistema. L’ipotesi di informazione perfetta istituisce le leggi come equivalenti a contratti perfetti nel senso walrasiano.  Sono dunque leggi perfette e complete, i cui risultati bastano a se stessi. In queste condizioni, parlare di legittimità non ha più senso.

Il ritorno al reale e la necessaria contestabilità delle regole

Se ci si situa in una prospettiva realista, nel senso che abbiamo dato alla parola, i termini del problema cambiano in modo radicale. Se la conoscenza degli agenti è locale e limitata in un universo non-stazionario, il problema iniziale diviene quello della contestabilità di ogni decisione. Schmitt, dal canto suo, ne è ben consapevole. Egli mostra, infatti, che la non-contestabilità degli atti di governo non può riposare, salvo il caso estremo dello Stato Governativo, che su una norma. Norma che può essere la Legge, il Diritto, o una razionalità tecnica. Sono queste norme che fanno degli atti di governo degli atti a-politici, nel senso che non fanno più riferimento ai conflitti d’interesse o di opinione. Solo che, per fondare una simile normatività, bisogna riunire simultaneamente due condizioni (salvo che non si supponga la totale omogeneità degli agenti):

a)      dev’esserci un accordo che sia insieme generale e permanente sulla norma

b)      dev’esserci una capacità di leggere la totalità degli effetti dell’atto nei termini della norma adottata, quale che sia quest’ultima[xx]

In effetti, la compresenza simultanea di queste condizioni non è affatto evidente. Le condizioni necessarie rivelano i fondamenti degli immaginari politici che è indispensabile attivare per giungere a una depoliticizzazione dell’azione di governo. Se si suppone la presenza di una norma esauriente [saturante], Diritto Divino, Ragione Immanente o Determinismo Naturale, condivisa da tutti i partecipanti, allora per definizione a) implica b). Però, ciò rinvia alla irricevibilità di principio dell’introduzione di elementi metafisici come argomenti scientifici, oltre al fatto che l’esistenza di dette norme è più che dubbia. Se tutti i partecipanti non sono, sin dall’origine, persuasi da una stessa norma, soddisfare le condizioni di a) implica persuadere tutta la popolazione della pertinenza della norma esauriente. La quale non potendo essere discussa, perché attiene alla sfera delle credenze, il meccanismo della persuasione prende necessariamente la forma di un’opposizione credenti/non credenti, con tutto quel che ne può conseguire. Si scivola in effetti dal registro della persuasione a quello della conversione, con, a seconda dei gusti, inquisizioni, roghi, gulag…

Se la norma non è esauriente, bisogna riconoscere che essa può essere vagliata, magari in modo limitato.  Il vaglio riguarderà sia il piano della coerenza interna, sia il piano del realismo[xxi]. In questo caso, a) dipende da b), nel senso che se b) non è possibile, allora a) diviene impossibile per definizione. Se la totalità degli effetti di un atto non può essere letta nei termini di una norma, allora quest’ultima non può costituire la base di un accordo generale. Ora, questa possibilità di leggere la totalità degli effetti ritorna a dare per presupposti, ancora una volta, sia l’informazione perfetta, sia la conoscenza illimitata, sia lo stato stazionario. A ciò si oppongono argomentazioni contrarie fortissime, tanto quelle di Hayek, quanto quelle del suo avversario nel dibattito Piano/Mercato, Otto Neurath[xxii]. Ammettere l’impossibilità di leggere la totalità degli effetti di un atto, ammettere dunque i famosi effetti non intenzionali familiari al lettore di Hayek[xxiii], importa ammettere l’impossibilità di soddisfare b), e dunque a). Bisogna dunque rinunciare all’idea di atti totalmente fondati su norme, e reintrodurre la politica attraverso i conflitti di valutazione, conflitti che riflettono le opposizioni d’interesse e d’opinione.

E’ un paradosso ironico constatare che qui, la fedeltà a certe tesi della scuola austriaca, e in particolare di Hayek, conduce esattamente a rifiutare il suo progetto di spoliticizzazione dell’economia. La sua onestà di ricercatore lo portava a rifiutare, a giusto titolo, le ipotesi di informazione o conoscenza perfetta. La sua posizione politica di profeta liberale lo portava a voler ridurre il più possibile lo spazio della scelta politica. Una contraddizione dalla quale uscì soltanto alla fine della vita, e per mezzo di un gesto che rende incoerente tutto il suo precedente lavoro, la rivendicazione di norme immanenti. Allo stesso modo, si vede bene che, appena si esca dalle ipotesi metafisiche soggiacenti all’esposizione di C. Schmitt, è proprio la sua argomentazione che ci riporta al punto che era sua intenzione escludere, il dibattito fra Principe e Popolo come fonte di legittimità. Gli atti legali ridiventano, allora, decisioni.

* * *

Così, la critica schmittiana di una certa concezione della democrazia fa esplodere il mito del legalismo autoreferenziale, proprio come la critica hayekiana della pianificazione centralizzata ha fatto esplodere il mito dell’equilibrio neoclassico. Ragion per la quale ogni economista che si ponga la questione delle istituzioni, delle regole, e delle relazioni che le une e le altre intrattengono con le comunità umane ch’esse organizzano non può rifiutarsi di vedere l’importanza primordiale della nozione di legittimità. Accettare questa realtà implica andare oltre, e comprendere come e perché legittimità e sovranità siano nozioni centrali, e collegate.

 

 



[i] Legalität und Legitimität, 1. Aufl. München-Leipzig 1932; poi raccolto in C. Schmitt, Verfassungsrechtliche Aufsätze, cit., pp. 263-350; trad. it. parziale (introduzione e prima parte; mancano la seconda parte e la conclusione) in Le categorie del «Politico» (a cura di Gianfranco Miglio e Pierangelo Schiera), Il Mulino, Bologna 1972 pp. 209-244.

[ii] Ibidem

[iii] Ibidem

[iv] Ibidem

[v] V. Jacques Sapir (a cura di), Retour sur l’URSS – Histoire, Economie, Société, l’Harmattan, Paris 1997

[vi] Schmitt, Legalità e legittimità, cit.

[vii] Ibidem

[viii] P. Hirst, “Carl Schmitt’s Decisionism”, in C. Mouffe (ed.) The Challenge of Carl Schmitt, Verson, London 1999, pp. 7 -17

[ix] F.A. Hayek, The Political Order of a Free People, Law, Legislation and Liberty, vol. 3, Univ. of Chicago Press, Chicago 1979

[x] A questo proposito v. la critica, molto pertinente, di R. Bellamy, “Dethroning Politics: Liberalism, Constitutionalism and Democracy in the Thought of F.A. Hayek”, in The British Journal of Political Science, vol. 24, October 1994, pp. 419-441

[xi] Schmitt, Legalità e legittimità, cit.

[xii] Ibidem

[xiii] Ibidem

[xiv] Ibidem

[xv] Ibidem

[xvi] G. Simmel, Filosofia del denaro, UTET, Torino 2003 [Philosophie des Geldes, 1900]

[xvii] Ibidem

[xviii] Ibidem

[xix] C. Deutschmann, “Money as a Social Construction: on the Actuality of Marx and Simmel”, Thesis Eleven, n. 47, November 1996, pp. 1-20

[xx] C. Schmitt, Legalità e legittimità, cit.

[xxi] J. Sapir, “Calculer, comparer, discuter: apologie pour une méthodologie ouverte en économie”, op. cit.

[xxii] Nella sua critica del razionalismo, O. Neurath parla di intelligenza lacunosa. V. O. Neurath, “Les voyageurs égarés de Descartes et le motif auxiliaire” trad. F. Willmann, in Cahiers de Philosophie du Langage n. 2 – Otto Neurath, un philosophe entre science et guerre, l’Harmattan, Paris 1997, pp. 19-34

[xxiii] In particolare F. A. Hayek, The Constitution of Liberty, University of Chicago Press, Chicago 1960