Aymeric Chauprade : “Où vont la Syrie et le Moyen-Orient ?” Con traduzione in calce in italiano
Publié par Aymeric Chauprade le 29 novembre 2012 dans Articles
Conférence donnée par Aymeric Chauprade à Funglode, Saint Domingue, le 27 novembre 2012. Texte intégral.
Comprendre la géopolitique du Moyen-Orient c’est comprendre la combinaison de multiples forces.
Nous allons voir qu’il faut faut envisager au moins la combinaison de 3 logiques :
– les forces intérieures qui s’affrontent à l’intérieur d’un même État, comme la Syrie, l’Irak ou la Libye. Des conflits ethniques (Kurdes et Arabes), ou confessionnels anciens (chiites, sunnites, Alaouites, chrétiens…).
– les logiques d’influence des grands acteurs de puissance régionaux (l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Qatar, Israël, la Turquie, l’Égypte…) et la façon dont ces acteurs utilisent les logiques communautaires dans les États où ils essaient d’imposer leur influence (Liban, Syrie, Irak)
– le jeu des grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, France, UK…) et en particulier la géopolitique du pétrole et du gaz.
À cette analyse géopolitique, il faut être capable de marier une analyse de science politique, et de comprendre en particulier ce qui se passe sur le plan des nouveaux courants idéologiques du monde arabe ou bien sur le plan de la légitimité des régimes politiques qui tremblent.
Par ailleurs il ne faut surtout pas avoir l’idée que les dynamiques qui secouent le Moyen-Orient sont très récentes. Il n’y a jamais eu de stabilité au Moyen-Orient dans les frontières que nous connaissons aujourd’hui. Si les Anciens parlaient à propos des colonisations et protectorats de pacification ce n’est pas pour rien. Seules les structures impériales, que ce soit l’Empire ottoman ou les Empires occidentaux, ou même dans une certaine mesure la Guerre froide entre l’Ouest et l’Est, ont en réalité gelé momentanément les affrontements claniques, tribaux, ethniques et confessionnels du Sahara jusqu’aux déserts d’Arabie en passant par le Croissant Fertile.
En réalité, il y a là une constante à peu près universelle. Là de véritables États-nation homogènes n’ont pu se former, la guerre civile est devenu une sorte d’état instable permanent.
Pour comprendre ce qui se passe en Syrie et les perspectives, je vais commencer par inscrire notre réflexion dans une trame globale.
Les États-Unis et leurs alliés sont sortis vainqueurs de l’affrontement bipolaire en 1990 et l’effondrement de l’URSS a rendu possible, à la fois l’extension de la mondialisation libérale à de nombreux pays du monde, et des transformations géopolitiques majeures comme la réunification de l’Allemagne et l’explosion de la Yougoslavie.
Les États-Unis ont tenté alors, portés par cette dynamique, d’accélérer le plus possible ce phénomène et d’imposer l’unipolarité, c’est-à-dire un monde centré sur leur domination géopolitique, économique, culturelle (softpower).
Ils se sont appuyés sur le droit d’ingérence face aux purifications ethniques ou aux dictatures, comme sur la lutte contre l’islamisme radical (depuis le 11 septembre 2001 en particulier) pour accélérer leur projection géopolitique mondiale.
Mais c’était sans compter sur une logique contradictoire : la logique multipolaire qui a été d’une certaine manière l’effet boomerang de l’expansion capitalistique soutenue par les Américains après la chute de l’URSS. Dopées par la croissance, ce que les Américains voyaient comme des marchés émergents, sont devenues des nations émergentes, soucieuses de compter de nouveau dans l’histoire, de restaurer leur puissance et de reprendre le contrôle de leurs ressources énergétiques ou minières. De la Russie à la Chine, en passant par l’Inde, le Brésil, la Turquie, jusqu’au Qatar, partout des États nation forts de leur cohésion identitaire et de leurs aspirations géopolitiques, s’emploient à jouer un rôle géopolitique croissant.
Washington a compris très tôt que la Chine marchait vers la place de première puissance mondiale et qu’elle ne se contenterait pas de la puissance économique mais s’emploierait à la devenir aussi la première puissance géopolitique. Perspective incompatible avec la projection géopolitique mondiale des États-Unis, qui dominent encore l’Europe avec l’OTAN, contrôlent l’essentiel des réserves de pétrole du Moyen-Orient et tiennent les océans grâce à leur formidable outil naval.
Dans cette compétition entre les États-Unis et la Chine, qui déjà dans le Pacifique fait penser aux années qui précédèrent l’affrontement entre les Américains et les Japonais dans la première partie du XXème siècle, le Moyen-Orient tient toute sa place.
Le Moyen-Orient représente 48,1% des réserves prouvées de pétrole en 2012 (contre 64% en 1991) et 38,4% des réserves de gaz (2012, BP Statistical Review ; contre 32,4% en 1991).
Pour les États-Unis, contrôler le Moyen-Orient, c’est contrôler largement la dépendance de l’Asie et en particulier celle de la Chine. L’AIE dans son dernier rapport prédit en effet que l’Asie absorbera 90% des exportations en provenance du Moyen-Orient, en 2035.
Comme l’Agence Internationale de l’Énergie nous l’annonçait début novembre 2012, la production de pétrole brut des États-Unis dépassera celle de l’Arabie Saoudite vers 2020, grâce au pétrole de schiste. Les États-Unis qui importent aujourd’hui 20% de leurs besoins énergétiques deviendraient presque autosuffisants d’ici 2035.
Rappelons qu’en 1911 quand le gouvernement américain morcela la gigantesque Standard Oil (de laquelle naîtront Exxon, Mobil, Chevron, Conoco et d’autres encore), cette compagnie assumait alors 80% de la production mondiale. Si les États-Unis redeviennent premiers producteurs mondiaux, nous ne ferons que revenir à la situation qui prévalait au début du XXème siècle.
Entre 1945 et maintenant, l’un des grands problème des Américains a été le nationalisme pétrolier, qui du Moyen-Orient à l’Amérique Latine, n’a cessé de grignoter son contrôle des réserves et de la production.
Il se passe donc exactement ce que j’écrivais il y a déjà presque dix ans (ce qui ne me rajeunit pas!), au moment de la Deuxième guerre d’Irak. Les États-Unis ne cherchent pas à contrôler le Moyen-Orient pour leur propres approvisionnements puisqu’ils s’approvisionneront de moins en moins au Moyen-Orient (aujourd’hui déjà le continent africain pèse plus dans leurs importations), mais ils chercheront à contrôler ce Moyen-orient pour contrôler la dépendance de leurs compétiteurs principaux, européens et asiatiques.
Si les Américains contrôlent encore le Moyen-Orient dans 20 ans (et je ne parle même pas de l’Afrique qui ne maîtrisera certainement pas son destin et sera sans doute partagée entre des influences occidentales et chinoise), cela signifie qu’ils auront une emprise énergétique considérable sur le monde et donc que la valeur stratégique de pays comme la Russie, le Venezuela (premier pays du monde devant l’Arabie Saoudite en réserves prouvées de pétrole : 17,9% contre 16,1% soit 296,5 milliards de barils de réserves sur le 1,65 trilliard du monde : BP 2012) ou le Brésil (grâce à son off-shore profond) aura alors fortement augmenté puisqu’ils seront des réservoirs alternatifs précieux l’un pour l’Europe et l’Asie, l’autre pour l’Amérique Latine.
Je fais partie de ceux qui ne croient pas à la raréfaction du pétrole. Non seulement parce que dans les faits, et contrairement à tous ceux qui n’ont cessé d’annoncer un peak oil qui ne s’est jamais produit, les réserves prouvées n’ont jamais cessé d’augmenter et que les perspectives avec le off-shore profond et le pétrole de schiste sont gigantesques, mais, au-delà, parce que je suis très convaincu par la thèse dite abiotique de l’origine du pétrole, c’est-à-dire que le pétrole n’a pas pour origine la décomposition des dinosaures dans les fosses sédimentaires mais qu’il est un liquide abondant qui coule sous le manteau de la terre, qu’il est fabriqué à des températures et des pressions gigantesques à des profondeurs incroyables, et que par conséquent ce que nous extrayons est ce qui est remonté des profondeurs de la terre par fracturation du manteau.
Nous n’avons pas le temps d’entrer dans ce débat scientifique mais selon l’explication biotique ou abiotique les conséquences dans le domaine de la géopolitique sont radicalement différentes. Si le pétrole a une origine biotique la question est bien celle de l’épuisement et des conséquences géopolitiques de la raréfaction puis de l’épuisement. Si le pétrole a une origine abiotique, l’enjeu est bien le off-shore profond et toutes les techniques de fracturation permettant de faire remonter le liquide précieux des profondeurs du manteau.
Mais revenons au pétrole du Moyen-Orient et souvenons-nous de quelques faits essentiels.
En brisant le régime de Saddam Hussein, les Américains ont tué dans l’œuf deux logiques qu’ils combattaient depuis toujours :
– le nationalisme pétrolier en Irak. Ils visent désormais le nationalisme pétrolier iranien.
– le risque de sortie du pétro-dollar : le fait d’accepter de se faire payer son pétrole en euro ou dans une autre devise que le dollar : ce que Saddam Hussein avait annoncé vouloir faire en 2002 et que les Iraniens font aujourd’hui et qui explique largement pourquoi les Américains imposent un embargo drastique sur les hydrocarbures iraniens.
Le lien entre pétrole et dollar est l’une des composantes essentielles de la puissance du dollar. Il justifie que les pays disposent de réserves en dollar considérables pour pouvoir payer leur pétrole, et par conséquent que le dollar soit une monnaie de réserve principale. Par voie de conséquence, ce lien pétrole/dollar est bien ce qui permet aux États-Unis de financer leur formidable déficit budgétaire et de se permettre une dette fédérale de plus de 15 000 milliards de dollars. Aujourd’hui tout le monde parle des dettes et crises européennes, mais les États-Unis sont, sur le plan de l’endettement (endettement fédéral, endettement des États, endettement des ménages) dans une bien pire situation que les Européens. Cependant leur bouclier s’appelle “dollar” et on peut penser qu’ils ont utilisé le talon d’Achille grec des Européens pour affaiblir l’Union européenne et fragiliser l’euro. Imaginez que la crise de la Grèce n’ait pas éclaté, et alors vous aurez ce qui se passait avant son éclatement : les banques centrales des émergents continueraient à accumuler de l’euro et à diminuer leur réserves de dollars… On comprend mieux pourquoi la Grèce a été conseillée par Goldman Sachs et JP. Morgan…
En imposant un embargo drastique sur l’Iran (9,1% des réserves prouvées selon BP 2012, soit le 3e rang mondial ; 15,9% des réserves prouvées de gaz soit le 2ème rang derrière la Russie avec 21,4% et devant le Qatar avec 12%) les Américains tentent aussi de briser l’un des derniers pays à vouloir contrôler son système de production pétrolier et gazier.
Quel est donc le lien avec la Syrie ? On en parle peu, mais la Syrie joue un rôle stratégique dans les logiques pétrolières et gazières au Moyen-Orient.
Or en 2009 et 2010, peu avant que n’éclate la guerre, la Syrie a fait des choix qui ont fortement déplu à l’Occident.
Quelles sont les données du problème?
Depuis la fin de la Guerre froide, les États-Unis essaient de casser la dépendance de l’Union européenne au gaz et au pétrole russe. Pour cela, ils ont favorisé des oléoducs et gazoducs qui s’alimentent aux réserves d’Asie centrale et du Caucase mais qui évitent soigneusement de traverser l’espace d’influence russe.
Ils ont notamment encouragé le projet Nabucco, lequel part d’Asie centrale, passe par la Turquie (pour les infrastructures de stockage) visant ainsi à rendre l’Union européenne dépendante de la Turquie (rappelons que les Américains soutiennent ardemment l’inclusion de la Turquie dans l’UE tout simplement parce qu’ils ne veulent pas d’une Europe-puissance), puis la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, l’Autriche, la Tchéquie, la Croatie, la Slovénie et l’Italie.
Nabucco a clairement été lancé pour concurrencer deux projets russes qui fonctionnent aujourd’hui :
– Northstream qui relie directement la Russie à l’Allemagne sans passer par l’Ukraine et la Biélorussie.
– Southstream qui relie la Russie à l’Europe du Sud (Italie, Grèce) et à l’Europe centrale (Autriche-Hongrie).
Mais Nabucco manque d’approvisionnements et pour concurrencer les projets russes, il lui faudrait pouvoir accéder :
1/ au gaz iranien qui rejoindrait le point de groupage de Erzurum en Turquie
2/ au gaz de la Méditerranée orientale : Syrie, Liban, Israël.
À propos du gaz de la Méditerranée orientale, il est essentiel de savoir que depuis 2009 des bouleversements considérables se sont produits dans la région.
Des découvertes spectaculaires de gaz et de pétrole ont eu lieu en Méditerranée orientale, dans le bassin du Levant d’une part, en mer Égée d’autre part.
Ces découvertes exacerbent fortement les contentieux entre Turquie, Grèce, Chypre, Israël, Liban et Syrie.
En 2009, la compagnie américaine Noble Energy, partenaire d’Israël pour la prospection, a découvert le gisement de Tamar à 80 km d’Haïfa. C’était la plus grande découverte mondiale de gaz de 2009 (283 milliards de m3 de gaz naturel) et en 2009 donc, le statut énergétique d’Israël a radicalement changé, passant d’une situation presque critique (plus que 3 ans de réserves et une très forte dépendance vis-à-vis de l’Égypte) à des perspectives excellentes. Puis en octobre 2010, une découverte encore plus considérable a brutalement donné à Israël plus de 100 ans d’autosuffisance en matière gazière! Israël a trouvé un méga-gisement offshore de gaz naturel qu’il estime être dans sa ZEE : le gisement Léviathan.
Léviathan est situé à 135 km à l’ouest du port d’Haïfa, on le fore à 5000 m de profondeur, avec 3 compagnies israéliennes plus cette fameuse compagnie américaine, Noble Energy. Ses réserves sont estimées à 450 milliards de m3 (pour avoir un ordre de grandeur, les réserves mondiales prouvées de gaz en 2011 sont de 208,4 trilliards de m3, soit 208 400 milliards de m3 et un pays comme la Russie possède 44,6 trilliards). Quoiqu’il en soit, en 2010, Léviathan fut la plus importante découverte de gaz en eau profonde de ces 10 dernières années.
Je ne donne pas de détail ici sur les découvertes faites parallèlement en mer Égée, mais elles sont considérables et je vous demande simplement de garder en tête que la Grèce est désormais un pays extrêmement potentiel sur le plan gazier ce qui participe peut-être aussi du déclenchement d’une crise européenne qui aboutira bientôt… à la privatisation totale du système énergétique grec…
Voici ce que le US Geological Survey estime à propos de la Méditerranée orientale (formée en l’espère de de 3 bassins : bassin égéen au large des côtes grecques, turques et chypriotes ; bassin du Levant au large des côtes du Liban, d’Israël et de Syrie ; bassin du Nil au large des côtes égyptiennes).
“Les ressources pétrolières et gazières du bassin du Levant sont estimées à 1,68 milliards de barils de pétrole et 3450 milliards de m3 de gaz” “les ressources non découvertes de pétrole et gaz de la province du bassin du Nil sont estimées à environ 1,76 milliards de barils de pétrole et 6850 milliards de m3 de gaz naturel”.
L’USGS estime que le bassin de Sibérie occidentale (le plus grand bassin de gaz connu) recèle 18 200 milliards de m3 de gaz. En clair, s’agissant du seul gaz, le bassin du Levant c’est plus de la moitié du bassin de Sibérie occidentale.
Bien évidemment ces découvertes ont attisé les rivalités entre États voisins. Israël et le Liban revendiquent chacun la souveraineté sur ces réserves et l’un des différends profonds entre le président Obama et Benjamin Netanyahu est que les États-Unis, en juillet 2011, ont appuyé la position libanaise contre Israël (car Beyrouth estime que le gisement s’étend aussi sous ses eaux territoriales). Il semblerait que la position américaine vise d’une part à entretenir la division pour jouer un rôle de médiation, d’autre part à empêcher Israël de devenir un acteur autosuffisant.
Or notre Syrie se trouve au cœur de ces problématiques !
D’abord concernant Nabucco.
En novembre 2010, l’Arabie Saoudite et le Qatar ont demandé à Bachar el Assad de pouvoir ouvrir des oléoducs et gazoducs d’exportation vers la Méditerranée orientale. Ces oléoducs leur permettrait en effet de desserrer la contrainte du transport maritime via le détroit d’Ormuz puis le Canal de Suez et d’envoyer plus de gaz vers l’Europe (notamment le Qatar, géant gazier du Moyen-Orient). La Syrie a refusé, avec le soutien marqué de la Russie qui voit dans ces plans la volonté américaine, française, saoudienne et qatarie de diminuer la dépendance européenne au gaz russe.
On comprend donc la compétition qui se joue entre, d’une part les Occidentaux, la Turquie et les monarchies du Golfe, d’autre part, la Russie, l’Iran et la Syrie, auxquels s’est ajouté l’Irak dirigé par le chiite Maliki et qui s’est fortement rapproché de Téhéran et Damas au détriment des Américains.
En février 2011 les premiers troubles éclataient en Syrie, troubles qui n’ont cessé de s’amplifier avec l’ingérence, d’une part de combattants islamistes financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite, d’autre part de l’action secrète des Occidentaux (Américains, Britanniques et Français).
Le 25 juillet 2011, l’Iran a signé des accords concernant le transport de son gaz via la Syrie et l’Irak. Cet accord fait de la Syrie le principal centre de stockage et de production, en liaison avec le Liban et l’idée de Téhéran est de desserrer ainsi la contrainte de l’embargo. Gelé par la guerre, le chantier aurait étrangement repris le 19 novembre 2012, après l’élection d’Obama donc et la reprise de négociations secrètes entre les États-Unis et l’Iran.
Du fait même de sa position centrale entre les gisements de production de l’Est (Irak, monarchies pétrolières) et la Méditerranée orientale, via le port de Tartous, qui ouvre la voie des exportations vers l’Europe, la Syrie est un enjeu stratégique de premier plan.
Ajoutons à cela la question de l’évacuation du pétrole kurde.
Il existe un oléoduc qui aujourd’hui achemine le pétrole de Kirkuk (Kurdistan irakien) à travers l’Irak puis la Jordanie et enfin Israël. Mais Israël pourrait aussi voir réhabilité l’ancien oléoduc Mossoul Haïfa (que les Britanniques utilisèrent de 1935 à 1948).
Ajoutons à cela que la Syrie dispose de réserves dans son sol et probablement en off-shore. Le 16 août 2011, le ministère syrien du pétrole a annoncé la découverte d’un gisement de gaz à Qara, près de Homs, avec une capacité de production de 400 000 m3/j. S’agissant du off-shore, nous avons parlé tout à l’heure des estimations de l’USGS concernant le bassin du Levant, il faut ajouter cette prédiction du Washington Institute for Near East Policy qui pense que la Syrie disposerait des réserves de gaz les plus importantes de tout le bassin méditerranéen oriental, bien supérieures encore à celle d’Israël. Vous voyez là encore, mon leitmotiv et ce que j’ai souvent dit ici : l’avenir c’est le off-shore profond et cela va donner à la mer une dimension géopolitique considérable. Délaisser la mer et son espace maritime est donc, pour n’importe quel pays du monde, une erreur stratégique tragique.
Il est évident donc que si un changement politique favorable aux Occidentaux, aux Turcs, Saoudiens et Qataris intervenait en Syrie, et que celle-ci se coupait de la Russie (les navires de guerre russes mouillent dans le port stratégique de Tartous, un port qui peut bien sûr accueillir des tankers approvisionnés à partir des oléoducs qui y arriveraient), alors toute la géopolitique pétrolière et gazière de la région serait bouleversée à leur avantage. N’oublions pas l’Égypte, exportatrice de gaz naturel, et qui elle aussi aimerait voir son gaz raccordé à la Turquie via la Syrie.
Cette simple donnée pétrolière et gazière doit nous faire comprendre la raison pour laquelle la Syrie est attaquée par les Turcs, les Occidentaux et les monarchies du Golfe, et inversement pourquoi elle n’est lâchée ni par les Russes, ni par les Iraniens, ni par les Irakiens.
Il nous faut maintenant comprendre les dynamiques géopolitiques internes de la Syrie.
La Syrie c’est un peu plus de 20 millions d’habitants : 80% d’Arabes sunnites, 10% d’Alaouites une forme d’islam rattachée au chiisme, mais pas celui d’Iran) et 10% de chrétiens.
Bachar el-Assad a à ses côtés 2 millions d’Alaouites encore plus résolus que lui à se battre pour leur survie et plusieurs millions de minoritaires qui ne veulent pas d’une mainmise sunnite sur le pouvoir.
Il faut comprendre qui sont ces Alaouites. Il s’agit d’une communauté issue, au Xème siècle, aux frontières de l’Empire arabe et de l’Empire byzantin, d’une lointaine scission du chiisme, et qui pratique un syncrétisme comprenant des éléments de chiisme, de panthéisme hellénistique, de mazdéisme persan et de christianisme byzantin. Il est très important pour notre analyse de savoir que les Alaouites sont considérés par l’islam sunnite comme les pires des hérétiques. Au XIVème siècle, le jurisconsulte salafiste Ibn Taymiyya, ancêtre du wahhabisme actuel et référence de poids pour les islamistes du monde entier, a émis une fatwa demandant leur persécution systématique et leur génocide.
Cette fatwa est toujours d’actualité chez les salafistes, les wahhabites et les Frères musulmans, c’est-à-dire tous ceux que le pouvoir alaouite affronte en ce moment !
Avant le coup d’État d’Hafez el-Assad en 1970, les Alaouites n’ont connu que la persécution de la part de l’islam dominant, le sunnisme.
Il faut quand même savoir que jusqu’en 1970, les bourgeois sunnites achetaient encore, par contrat notarié, de jeunes esclaves alaouites.
Les choses se sont arrangées avec l’installation de l’idéologie nationaliste baathiste en 1963, laquelle fait primer l’arabité sur toute autre considération, et surtout de 1970.
En résumé, la guerre d’aujourd’hui n’est que le nouvel épisode sanglant de la guerre des partisans d’Ibn Taymiyya contre les hérétiques alaouites, une guerre qui dure depuis le XIVème siècle ! Cette fatwa est à mon avis la source d’un nouveau génocide potentiel (semblable à celui du Rwanda) si le régime vient à tomber. Voilà une donnée essentielle que les Occidentaux font mine pourtant d’ignorer.
Pourchassés et persécutés durant des siècles, les Alaouites ont dû se réfugier dans les montagnes côtières arides entre le Liban et l’actuelle Turquie tout en donnant à leur croyance un côté hermétique et ésotérique, s’autorisant même le mensonge et la dissimulation (la fameuse Taqqiya) pour échapper à leurs tortionnaires.
Mais alors vous vous demandez, comment ces Alaouites ont-ils fait pour arriver au pouvoir?
Soumise aux occupations militaires étrangères depuis des siècles, la bourgeoisie sunnite de Syrie (un processus similaire s’est produit au Liban) a commis l’erreur habituelle des riches au moment de l’indépendance du pays, en 1943. Le métier des armes à été relégué aux pauvres et non aux fils de “bonne famille”. L’armée a donc été constituée par des minorités : une majorité d’Alaouites mais aussi des chrétiens, Ismaéliens, Druzes, Chiites.
Hafez el-Assad venait de l’une de ces familles modestes de la communauté alaouite. Il est d’abord devenu chef de l’armée de l’air puis ministre de la défense avant de s’emparer du pouvoir par la force afin de donner à sa communauté sa revanche sur l’Histoire (avec ses alliés Druzes et chrétiens).
Vous comprenez donc tout de suite que le régime, soutenu par 2 millions d’Alaouites, sans doute 2 à 3 millions d’autres minorités, mais aussi une partie de la bourgeoisie sunnite notamment de Damas, dont les intérêts économiques sont désormais très liés à la dictature, n’a pas d’autre choix que de lutter à mort.
Quand je dis lutter à mort, je parle du régime que je distingue de Bachar el-Assad. Le régime est plus puissant que Bachar et peut s’en débarrasser s’il estime qu’il en va de sa survie. Mais s’en débarrasser éventuellement ne signifie pas mettre une démocratie qui aboutirait inéluctablement (mathématiquement) au triomphe des islamistes, comme en Tunisie, en Libye, en Égypte, au Yémen…
Les Chrétiens de Syrie ont vu ce qui s’est passé pour les Chrétiens d’Irak après la chute de Saddam Hussein. Ils voient ce qui se passe en Égypte pour les Coptes, après la victoire des islamistes. Les Druzes savent aussi qu’ils sont, comme les Alaouites, considérés comme des hérétiques à détruire par les combattants salafistes et les Frères musulmans.
Il est absolument illusoire de penser, comme on le pense en Occident, que les Alaouites accepteront des réformes démocratiques qui amèneraient mécaniquement les salafistes au pouvoir.
Je le répète : l’erreur consiste à penser que le pays est entré en guerre civile en 2011. Il l’était déjà en 1980 quand un commando de Frères musulmans s’est introduit dans l’école des cadets de l’armée de l’air d’Alep, a mis de côté des élèves officiers sunnites et des alaouites et a massacré 80 cadets alaouites en application de la fatwa d’Ibn Taymiyya. Les Frères musulmans l’ont payé cher en 1982 à Hama, fief de la confrérie, que l’oncle de l’actuel président a rasée en y faisant peut-être 20 000 morts. Les violences intercommunautaires n’ont en réalité jamais cessé mais cela n’intéressait pas l’Occident car il n’y avait à ce moment aucun agenda pétrolier et gazier concernant la Syrie, ni aucun agenda contre l’Iran.
On dit que le régime est brutal et il est évidemment d’une brutalité incroyable, mais ce n’est pas le régime en soi qui est brutal. La Syrie est passée de l’occupation ottomane et ses méthodes d’écorchage vif, au mandat français de 1920 à 1943, aux anciens nazis réfugiés à partir de 1945 qui sont devenus des conseillers techniques, et ensuite aux conseillers du KGB. C’est évident qu’il n’y a rien à attendre de ce régime en matière de droits de l’homme, de réformes démocratiques… Mais il n’y a rien à attendre non plus des rebelles islamistes qui veulent prendre le pouvoir, et qui disposent d’une fatwa fondamentale pour organiser un véritable génocide des Alaouites. Et d’ailleurs attend-on quelque chose de l’Arabie Saoudite en matière de droits de l’Homme ?
Nous avons un vrai problème de traitement de l’information à propos de la Syrie, comme nous l’avions hier s’agissant de l’Irak, de la Yougoslavie, de la Libye. Une fois de plus le manichéisme médiatique occidental est à l’œuvre, la machine à fabriquer les Bons et les Méchants, en réalité en fonction surtout des intérêts occidentaux. La source unique, je dis bien unique, des médias occidentaux est l’OSDH (Observatoire syrien des Droits de l’Homme) lequel donne par exemple à l’Agence France Presse l’état de la situation en Syrie, le nombre de morts, de blessés, les exactions etc…
Or qu’est-ce que l’OSDH ? Il s’agit d’une émanation des Frères musulmans qui est dirigée par des militants islamistes et dont le fondateur, Ryadh el-Maleh, a été condamné pour violences. Basé à Londres depuis la fin des années 1980, il est sous la protection des services britanniques et américains et reçoit des fonds du Qatar et de l’Arabie Saoudite.
Outre l’OSDH comme référence médiatique, la référence politique des médias occidentaux c’est le Conseil National Syrien, créé en 2011, à Istanbul, sur le modèle du CNT libyen et à l’initiative du parti islamiste turc, l’AKP.
Financé par le Qatar, le CNS a été coulé dans sa forme initiale à la conférence de Doha, début novembre 2012 par Washington. Les États-Unis considéraient en effet depuis des mois qu’il n’était pas assez représentatif et ont suscité à la place la Coalition nationale des Forces de l’opposition et de la révolution. La réalité est que les Américains trouvaient que la France avait trop d’influence sur ce Conseil où elle avait placé l’opposant syrien sunnite Burhan Ghalioun, professeur de sociologie à la Sorbonne. On retrouve là une compétition franco-américaine semblable à celle qui s’était produite en Libye, où petit à petit l’influence française sur les rebelles anti-Kadhafi a été annulée par l’action souterraine des Américains. Il faut dire que si la France compte sur des professeurs de sociologie pour défendre ses intérêts au Moyen-Orient, elle s’expose à bien des déconvenues…
À la manœuvre en coulisse, le redoutable et très intelligent ambassadeur américain Robert S. Ford, considéré comme le principal spécialiste du Moyen-Orient au département d’État ; il fut l’assistant de John Negroponte de 2004 à 2006 en Irak où il appliqua la même méthode qu’au Honduras : l’usage intensif d’escadrons de la mort. Peu avant les évènements de Syrie, il fut nommé par Obama ambassadeur à Damas et prit ses fonctions malgré l’opposition du Sénat.
Cet ambassadeur a fait mettre à la tête de la Coalition nationale des Forces de l’opposition et de la révolutionune personne dont la presse ne parle pas : le cheikh Ahmad Moaz Al-Khatib.
Son parcours est intéressant et vous allez assez vite comprendre pour quelle raison je m’y attarde.
Il est un ingénieur en géophysique qui a travaillé 6 ans pour la al-Furat Petroleum Company (1985-1991), une joint-venture entre la compagnie nationale syrienne et des compagnies étrangères, dont l’anglo-hollandaiseShell. En 1992, il hérite de son père la prestigieuse charge de prêcheur de la Mosquée des Ommeyyades à Damas. Il est rapidement relevé de ses fonctions par le régime baathiste et interdit de prêche dans toute la Syrie. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque la Syrie soutient l’opération américaine Tempête du Désert pour libérer le Koweït et le cheikh, lui, y est opposé pour les mêmes motifs religieux qu’Oussama Ben Laden : il ne veut pas de présence occidentale sur la terre d’Arabie. Ce sheikh se fixe ensuite au Qatar puis, en 2003-2004, revient en Syrie comme lobbyiste du groupe Shell. Il revient à nouveau en Syrie début 2012 où il enflamme le quartier de Douma (banlieue de Damas). Arrêté puis amnistié il quitte le pays en juillet et s’installe au Caire.
Sa famille est bien de tradition soufie, donc normalement modérée, mais contrairement à ce que dit l’AFP, il est membre de la confrérie des Frères musulmans et l’a montré lors de son discours d’investiture à Doha. Bref, comme Hamid Karzai en Afghanistan, les Américains nous ont sorti de leur chapeau un lobbyiste pétrolier !
Maintenant que nous avons donné des éléments d’analyse sur les forces internes à la Syrie, regardons le jeu des forces régionales externes.
Je l’ai dit, la crise syrienne a éclaté à cause de l’ingérence saoudienne et qatarie (soutenue par les ingérences française, britannique et américaine). L’Arabie Saoudite et le Qatar, avec chacun leurs clientèles, défendent un projet islamiste sunnite pour le Moyen-Orient. De la Libye jusqu’à la Tunisie et l’Égypte, ils ont soutenu le printemps arabe, l’ont peut-être même dire suscité, amenant au pouvoir les Frères musulmans et les salafistes, eux-mêmes en concurrence pour l’établissement d’une société arabe islamique réunifiée dans un seul et même État islamique. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la symétrie étrange entre les Révolutions colorées soutenues par les Américains dans la périphérie de la Russie au début des années 2000, et les révolutions arabes soutenues par le Qatar, l’Arabie Saoudite et sans doute aussi discrètement Washington, au début des années 2010.
En revanche, Ryad et Doha ont bloqué l’éclosion d’un printemps chiite à Bahreïn, et sont intervenus militairement pour sauver la monarchie sunnite bahreïnie confrontée au soulèvement chiite (rappelons que les chiites représentent 70% de la population de Bahraïn, et n’ont rien de négligeable au Koweït ou aux Émirats). Ce fut, en 2011, la deuxième fois après la guerre du Koweït que l’accord mutuel de protection du Conseil de Coopération du Golfe, dit Bouclier du désert, fut mis en action.
Le printemps arabe, dont certains soulignent, à juste titre, qu’il s’est en fait transformé en hiver islamiste, a profité aussi fortement aux pays sunnites du Golfe sur le plan économique. Après la crise de 2008 qui avait notamment touché les Émirats Arabes unis, les monarchies sunnites du Golfe ont vu affluer les fortunes amassées sous les dictatures tunisienne, libyenne, égyptienne. Cet argent amassé sous les régimes effondrés ou en voie d’effondrement ne peut plus aller en Europe, ni même en Suisse, car les règles bancaires (compliance) ne le permettent vraiment plus. Il va donc à Dubaï essentiellement.
Par ailleurs, la chute des exportations de pétrole et de gaz libyen, due à la guerre de 2011 en Libye, a été compensée par une hausse sensible de la production et des exportations de l’Arabie Saoudite, du Qatar, des Émirats Arabes Unis, ce qui a dopé l’économie de ces pays en 2011 et 2012.
Face au jeu sunnite des monarchies du Golfe, l’Irak dominé par les chiites, l’Iran bien sûr et la Syrie, ont formé un axe que l’on peut qualifier de chiite puisque les Alaouites sont une branche particulière du chiisme et qui essaie de résister à la terrible alliance Occident/Turquie/monarchies sunnites du Golfe.
Dans ce jeu complexe, se pose alors la question du jeu d’Israël. Paradoxalement, c’est peut-être le moins simple et l’erreur consisterait à vouloir attribuer à Israël, par facilité, “la main cachée qui dirige”.
Israël, en effet, a longtemps eu comme ennemi principal le nationalisme arabe. L’idéologie baathiste a combattu l’existence d’Israël et soutenu le droit des Palestiniens à récupérer leur terre. Le projet d’un monde arabe unifié, développé et modernisé économiquement grâce aux ressources pétrolières, et avançant vers l’arme atomique (Irak) a longtemps été le cauchemar prioritaire de Tel Aviv.
Mais le nassérisme est mort, puis le baathisme irakien après lui. Reste aujourd’hui le baathisme syrien, mais il est affaibli, et le rêve de Grande Syrie nourri par Damas est contradictoire depuis bien longtemps avec le nationalisme palestinien.
Le problème principal d’Israël maintenant, ce sont ces Frères musulmans qui triomphent partout. Ils ont commencé à s’installer via le Hamas à Gaza (en concurrence avec l’OLP qui tient la Cisjordanie et cette division chez les Palestiniens est conforme aux intérêts israéliens) ; ils sont au pouvoir en Turquie alors que l’armée turque a longtemps été un allié fiable d’Israël ; maintenant l’AKP constitue un problème pour les Israéliens (souvenez-vous de l’affaire de la flotte de Gaza) ; les Frères musulmans sont aussi au pouvoir en Égypte depuis la chute de Moubarak (Égypte avec laquelle, depuis 1978, les Israéliens ont un accord de paix), ils sont forts en Jordanie (accord de paix depuis 1995), ils sont en Tunisie, en Libye, ils sont majoritaires en Syrie et essaient de prendre le pouvoir… Bref Israël assiste à une marée montante de Frères musulmans et de salafistes qui envahit tout le Moyen-Orient et menace ses portes, et ces gens-là ne sont pas particulièrement favorables à la reconnaissance du droit d’Israël à vivre en paix. Leur projet d’État islamique unifié regarde Israël comme les États latins croisés du Moyen-âge.
Il est donc loin d’être certain que la politique américaine de soutien aux islamistes fasse l’unanimité chez les Israéliens. Ceux-ci se sentent de plus en plus seuls. Cette politique pro-islamique de l’Occident pourrait même pousser Israël à trouver des parrains plus fiables que les Américains, la Russie, la Chine ou l’Inde (qui coopère déjà militairement fortement avec Israël face au Pakistan)…
Israël se prépare sans doute, dans un Moyen-Orient où les États d’aujourd’hui cèderaient de plus en plus la place à des États ou régions autonomes homogènes sur le plan confessionnel (sunnites, chiites, Alaouites…) ou ethniques (Kurdes face aux Arabes), à de nouvelles alliances afin de contrer le danger islamiste sunnite.
On ne peut pas exclure ainsi un retournement de l’histoire où Israël serait à nouveau proche de l’Iran, s’entendrait avec un Irak dominé par les chiites, ce qui lui permettrait d’éteindre le problème du Hezbollah libanais, soutiendrait un petit réduit alaouite en Syrie, un État kurde également… N’oublions pas en effet que le problème principal qui détermine tout pour les Israéliens c’est le problème palestinien. Si les Palestiniens du Hamas se mettent dans les bras du Qatar et de l’Arabie Saoudite (rappelons la visite historique du l’émir du Qatar début novembre à Gaza), alors l’hypothèse de l’alliance chiite n’est pas à exclure.
Comme je l’ai dit, une donnée essentielle est que sur le plan énergétique Israël dispose de l’autosuffisance pour le gaz, et que sur le plan pétrolier rien n’empêche demain, si retournement stratégique il y avait, que le pétrole vienne du Kurdistan irakien ou des chiites d’Irak ou d’Iran.
Le nucléaire iranien dans tout cela ? La réponse à la perspective du nucléaire iranien est-elle à votre avis dans une guerre suicidaire contre l’Iran ou dans une entente avec un futur Iran nucléaire contre l’islam sunnite ? La réponse me semble être dans la question.
Je crois personnellement que la relation États-Unis/Israël va se distendre tout simplement parce que les Américains sont de moins en moins gouvernés par des WASP (White anglo-saxons protestants) qui pour beaucoup étaient convaincus de la dimension sacrée d’Israël (chrétiens sionistes) et que pour des raisons identitaires (changement ethnique de la population des États-Unis) ce phénomène est quasi-irréversible. Je crois que le même problème se pose en Europe. Le changement de population en Europe de l’ouest, l’islamisation d’une partie de la population disons les choses, va contribuer à installer durablement des gouvernements de gauche ou socio-démocrates qui seront de moins en moins favorables à Israël et de plus en plus tenus par des minorités musulmanes agissantes. Un indicateur de cette tendance de fond est que la plupart des extrêmes droites européennes qui avaient une tradition antisémite deviennent au contraire anti-musulmanes et pro-israéliennes.
En conclusion, essayons de tracer quelques perspectives, même s’il est très difficile de prédire l’avenir au Moyen-Orient.
Premièrement, même s’il a en face de lui une majorité de sa population, je pense que le régime syrien peut tenir longtemps car il n’est pas isolé. Deuxièmement, sa cohésion interne est forte pour les raisons que j’évoquais (une guerre de survie pour les minorités confessionnelles au pouvoir) ; troisièmement, le soutien de la Russie est ferme. Et le régime enfin n’est pas enclavé puisqu’il est lié à ses voisins irakien et iranien qui le soutiennent.
Donc la situation actuelle peut perdurer, le conflit pourrir. 37 000 morts selon l’ODSH (source rébellion) au 10 novembre 2012 et 400 000 réfugiés syriens (Turquie, Liban, Jordanie, Irak) ? Certes c’est énorme, mais nombreuses aussi sont les guerres civiles qui ont dépassé les 100 000 morts et qui se sont traduites par le retour aux équilibres initiaux. Ce n’est pas le nombre de morts ou même la majorité qui déterminent l’issue : ce sont les rapports de force réels, internes, régionaux et mondiaux.
Si le régime venait cependant à s’effondrer, je n’envisage pas une seconde que les minorités puissent accepter de rester dans le cadre national actuel sans l’obtention de garanties occidentales extrêmement fortes quant à leur sécurité physique. Et même avec ces garanties j’en doute. Elles signeraient leur arrêt de mort d’autant qu’étrangement les Français et les Américains qui soutiennent et arment la rébellion n’ont demandé aucun engagement “anti-génocidaire” après la chute éventuelle de Bachar. On peut imaginer alors l’Iran et l’Irak soit accueillir ces minorités, soit favoriser, avec l’appui de la Russie, la formation d’un réduit alaouite avec notamment un couloir stratégique jusqu’à Tartous. Mais le problème resterait entier car ce que veulent les Occidentaux c’est l’accès syrien à la Méditerranée et le transit pétrolier et gazier par le territoire de la Syrie.
Mais au risque de vous surprendre, je pense que la baisse de la médiatisation par l’Occident du conflit syrien est le symptôme d’une réalité : l’Occident est en train de perdre la guerre en Syrie. Il peut soutenir le terrorisme à Damas et contre les forces de sécurité, lesquelles opposent une répression cruelle, mais il ne dispose pas de la capacité d’abattre l’appareil sécuritaire syrien. L’armée syrienne dispose de la maîtrise de l’espace aérien et ce n’est pas demain la veille que la France et les États-Unis prendront la responsabilité d’une guerre mondiale avec la Russie. Donc je crois que le régime va tenir. On est arrivé à la situation étrange où la France doit régler le problème d’Al Qaïda au Mali et soutient indirectement Al-Qaïda en Syrie. Le monde est décidément fou.
Une fois de plus, tout ramène à la question iranienne. L’Iran est la clé du futur Moyen-Orient. Si l’Iran revient à son alliance stratégique avec les États-Unis d’avant la Révolution chiite islamique de 1979, alors on peut penser que les États-Unis et Israël s’appuieront sur le chiisme pour faire contrepoids à un islam sunnite globalement hostile à l’Occident. Mais une autre hypothèse est possible : que les États-Unis, la France (n’oublions pas que les priorités de Paris sont aujourd’hui Doha et Ryad) et la Grande-Bretagne, proches de la Turquie (membre de l’OTAN) restent fortement alliées aux monarchies sunnites et entretiennent de bonnes relations avec les républiques dominées par les Frères musulmans (Tunisie, Égypte, mais quid de l’Algérie demain ?) et alors on ne peut pas exclure qu’Israël se découple de l’Occident pour se rapprocher d’un axe Russie/monde chiite hostile à la Turquie et aux monarchies pétrolières.
Reste en suspens aussi l’éternelle question kurde avec le jeu de la Turquie.
Enfin il ne faudrait pas oublier les inquiétantes évolutions dans certains pays d’Europe de l’Ouest comme la France, le Royaume-Uni, la Belgique, pays ou des minorités musulmanes sunnites de plus en plus structurées sur le plan identitaire, de plus en plus revendicatives sur le plan de l’islam, de plus en plus financées par les monarchies sunnites (voir les investissements du Qatar en France), vont sans doute jouer un rôle croissant dans la définition des politiques étrangères de ces pays. Comme vous le savez, en matière de politique étrangère (on l’a vu longtemps s’agissant du lobby juif aux États-Unis), ce ne sont pas les majorités dormantes qui pèsent sur la décision, ce sont au contraire les minorités agissantes organisées. Or dans l’Ouest de l’Europe, ce que l’on a longtemps appelé le lobby juif est de plus en plus faible, concurrencé par le poids du lobby pro-musulman ou pro-arabe dans les partis de gauche notamment.
Une chose finalement est certaine : avant que nous n’aboutissions à de nouveaux équilibres au Moyen-Orient, le chemin sera pavé de nombreuses souffrances…
Aymeric Chauprade
Photo : port de Tartous, Syrie. Crédit : Taras Kalapun via Flickr (cc)
Aymeric Chauprade : “Dove vanno la Siria e il Medio Oriente?”
Pubblicato da Realpolitik.tv le 1 décembre 2012 dans Articles
Conferenza tenuta da Aymeric Chauprade a Funglode, Santo Domingo, il 27 novembre 2012. Testo integrale.
Comprendere la geopolitica del Medio Oriente comporta comprendere la combinazione di forze multiple.
Vedremo che occorre considerare almeno la combinazione di 3 logiche:
– le forze interne che si affrontano nell’ambito d’un medesimo Stato, come la Siria, l’Iraq o la Libia; conflitti etnici (Curdi e Arabi), o confessionali di antica data (sciiti, sunniti, alaouiti, cristiani…);
– le logiche d’influenza dei grandi attori di potenza regionali (l’Iran, l’Arabia Saudita, il Qatar, Israele, la Turchia, l’Egitto…) e la maniera in cui questi attori utilizzano le logiche comunitarie negli Stati in cui cercano d’imporre la loro influenza (Libano, Siria, Iraq);
– il gioco delle grandi potenze (Stati-Uniti, Russia, Cina, Francia, UK…) e in particolare la geopolitica del petrolio e del gas.
A questa analisi geopolitica occorre essere capaci di coniugare un’analisi politica scientifica e di comprendere in particolare ciò che accade sul piano delle nuove correnti ideologiche del mondo arabo oppure sul piano della legittimità dei regimi politici oggi in bilico.
D’altronde è necessario che non si creda assolutamente che le dinamiche che scuotono il Medio Oriente sorgano dall’immediato. Non si è mai avuta stabilità in Medio Oriente all’interno delle frontiere come oggi le conosciamo. Se gli antichi parlavano in proposito di colonizzazioni e protettorati di pacificazione, ciò non era per caso. Solo le strutture imperiali, fossero l’Impero Ottomano o gli Imperi occidentali o anche in una certa misura la guerra fredda tra l’Ovest e l’Est, hanno in realtà momentaneamente congelato gli scontri di clan, tribali, etnici e confessionali dal Sahara fino ai deserti d’Arabia passando per la Mezzaluna Fertile (ndt , territorio comprendente delta del Nilo, Cipro, Israele, Mesopotamia).
In realtà vi è una costante pressoché universale. Là dove veri e propri Stati-nazione omogenei non hanno potuto formarsi, la guerra civile è divenuta una sorta di stato di instabilità permanente.
Per comprendere ciò che sta accadendo in Siria e le relative prospettive, comincerò con l’inscrivere la nostra riflessione in una trama globale.
Gli Stati Uniti e i loro alleati sono usciti vittoriosi dallo scontro bipolare nel 1990 e il crollo dell’URSS ha reso possibile, allo stesso tempo, l’estensione della mondializzazione liberale a numerosi paesi del mondo nonché trasformazioni geopolitiche maggiori come la riunificazione della Germania e l’esplosione della Jugoslavia.
Gli Stati Uniti hanno cercato allora, portati da questa dinamica, d’accelerare il più possibile questo fenomeno e d’imporre l’unipolarismo, vale a dire un mondo incentrato sulla loro dominazione geopolitica, economica, culturale (softpower).
Si sono appoggiati al diritto d’ingerenza di fronte alle purificazioni etniche o alle dittature, come alla lotta all’islamismo radicale (dall’11 settembre in particolare) per accelerare il loro progetto geopolitico mondiale.
Ma non hanno tenuto in conto una logica contraddittoria: la logica multipolare che è stata in una certa maniera l’effetto boomerang dell’espansione capitalistica sostenuta dagli americani dopo la caduta dell’URSS. Drogati dalla crescita, ciò che gli americani vedevano come mercati emergenti sono divenute nazioni emergenti, desiderose di contare di nuovo nella storia, di restaurare la loro potenza e di riprendere il controllo delle loro risorse energetiche o minerali. Dalla Russia alla Cina, passando per l’India, il Brasile, la Turchia fino al Qatar, dappertutto Stati-nazione forti della loro coesione identitaria e delle loro aspirazioni geopolitiche, si adoperano per giocare un ruolo geopolitico crescente.
Washington ha compreso ben presto che la Cina marciava verso il posto di prima potenza mondiale e che non si sarebbe accontentata della sola potenza economica ma si sarebbe impegnata a diventare anche la prima potenza geopolitica. Prospettiva incompatibile col progetto geopolitico mondiale degli Stati Uniti i quali dominano ancora l’Europa con la NATO, controllano l’essenziale delle riserve petrolifere del Medio Oriente e controllano gli oceani grazie al loro formidabile strumento navale.
In questa competizione tra Stati Uniti e Cina, che già nel Pacifico fa tornare in mente gli anni che precedettero lo scontro tra americani e giapponesi nella prima parte del XX secolo, il Medio Oriente assume tutto il suo rilievo.
Il Medio Oriente detiene il 48,1% delle riserve dimostrate di petrolio nel 2012 (contro il 64% nel 1991) e il 38,4% delle riserve di gas (2012, BP Statistical Review; contro il 32,4% nel 1991).
Per gli USA, controllare il Medio Oriente significa controllare ampiamente la dipendenza dell’Asia e in particolare quella della Cina. L’AIE (Agenzia Internazionale dell’Energia) nel suo ultimo rapporto prevede infatti che l’Asia assorbirà il 90% delle esportazioni provenienti dal Medio Oriente, nel 2035.
Come ci annunciava all’inizio del mese di novembre 2012 l’Agenzia Internazionale dell’Energia, la produzione di petrolio grezzo degli Stati Uniti supererà quello dell’Arabia Saudita verso il 2020, grazie al petrolio di scisti. Gli Stati Uniti, che importano oggi il 20% dei loro fabbisogni energetici, diverranno quasi autosufficienti da qui al 2035.
Ricordiamo che nel 1911, quando il governo americano scorporò la gigantesca Standard Oil (dalla quale sono nate Exxon, Mobil, Chevron, Conoco e altre ancora), questa compagnia controllava allora l’80% della produzione mondiale. Se gli USA ridiventano primi produttori mondiali, non faremmo che ritornare alla situazione di inizio XX secolo.
Tra il 1945 ed ora, uno dei grandi problemi degli americani è stato il nazionalismo petrolifero, che dal Medio Oriente all’America Latina non ha cessato di erodere il loro controllo delle riserve e della produzione. Succede dunque esattamente ciò che sottolineavo già dieci anni fa (la qual cosa non mi fa ringiovanire !), al momento della seconda guerra d’Iraq. Gli Stati Uniti non cercano di controllare il Medio Oriente per i propri approvvigionamenti poiché essi si serviranno sempre meno in Medio Oriente (oggi il continente africano ha un peso maggiore nelle loro importazioni) ma cercheranno di controllare questa regione per controllare la dipendenza dei loro concorrenti principali, europei e asiatici.
Se gli americani controlleranno ancora il Medio Oriente nei prossimi vent’anni (e non parlo dell’Africa che non avrà sicuramente il controllo del proprio destino e sarà senza dubbio divisa tra le influenze occidentali e quella cinese), questo comporterà che avranno un’influenza energetica considerevole sul mondo e conseguentemente il valore strategico di paesi come la Russia, il Venezuela (primo paese al mondo davanti all’Arabia Saudita in riserve certe di petrolio: 17,9% contro il 16,1%, ossia 296,5 miliardi di barili di riserve sugli 1,65 bilioni del mondo: BP 2012) o il Brasile (grazie al suo off-shore profondo) sarà allora fortemente aumentato poiché essi costituiranno riserve alternative preziose, l’una per l’Europa e l’Asia, gli altri per l’America Latina.
Io faccio parte di quelli che non credono alla scarsità crescente del petrolio. Non solo perché nei fatti e contrariamente a tutti quelli che non hanno cessato di annunciare un picco di petrolio che non si è mai realizzato, le riserve dimostrate non hanno mai cessato di aumentare e le prospettive dell’off-shore profondo e del petrolio di scisti sono gigantesche, ma anche perché sono convintissimo della tesi detta abiotica dell’origine del petrolio, vale a dire della sua formazione non dalla decomposizione dei dinosauri nelle fosse sedimentarie ma come liquido abbondante che scorre sotto il mantello della terra, prodotto a temperature e pressioni formidabili ed a profondità incredibili; conseguentemente quello che estraiamo è ciò che è risalito dalle profondità della terra attraverso la fratturazione del mantello.
Non abbiamo il tempo d’entrare nel merito di questo dibattito scientifico ma, a seconda della spiegazione biotica o abiotica, le conseguenze nel campo della geopolitica sono radicalmente differenti. Se il petrolio ha un’origine biotica la questione è certamente quella dell’esaurimento e delle conseguenze geopolitiche della rarefazione prima e dell’esaurimento poi. Se il petrolio ha un’origine abiotica, la posta in gioco è invece l’off-shore profondo e tutte le tecniche di fratturazione che permettano di far risalire il prezioso liquido dalle profondità del mantello.
Ma ritorniamo al petrolio del Medio Oriente e rammentiamo alcuni fatti essenziali.
Distruggendo il regime di Saddam Hussein, gli americani hanno ucciso nella culla due logiche ch’essi combattevano da sempre:
– il nazionalismo petrolifero in Iraq. Ora hanno preso di mira ormai il nazionalismo petrolifero iraniano;
– il rischio di uscita dal petro-dollaro: il fatto d’accettare il pagamento del petrolio in euro o in altra divisa diversa dal dollaro; ciò che Saddam Hussein aveva annunciato di voler fare nel 2002 e che gli iraniani fanno oggi; il che spiega ampiamente perché gli americani impongono un embargo drastico sugli idrocarburi iraniani.
Il legame tra petrolio e dollaro costituisce una delle componenti essenziali della potenza del dollaro. Esso giustifica il fatto che i paesi dispongano di riserve considerevoli in dollari per poter pagare il petrolio e, conseguentemente, che il dollaro sia la moneta principale di riserva. Ne consegue che questo legame petrolio/dollaro è ciò che permette agli Stati Uniti di finanziare il proprio formidabile deficit budgetario e di permettersi un debito federale superiore ai 15.000 miliardi di dollari. Oggigiorno tutti parlano del debito e della crisi europee; gli Stati Uniti sono però, sul piano dell’indebitamento (federale, degli Stati, delle famiglie)in una situazione ben peggiore degli europei. Ciò nonostante il loro scudo si chiama “dollaro” e si può pensare che essi abbiano utilizzato il tallone d’Achille greco degli europei per indebolire l’Unione Europea e rendere fragile l’euro. Immaginate che la crisi della Grecia non fosse scoppiata ed allora avreste presente ciò che stava accadendo prima della sua deflagrazione: le banche centrali dei paesi emergenti avrebbero continuato ad accumulare euro e a diminuire le loro riserve in dollari…Si capisce quindi ancor meglio perché la Grecia sia stata consigliata da Goldman Sachs e J.P.Morgan.
Imponendo un embargo drastico sull’Iran (9.1% delle riserve certe secondo BP 2012, ossia il terzo posto mondiale; 15,9% delle riserve certe di gas, ossia il secondo posto dietro la Russia con il 21,4% e davanti al Qatar col 12%) gli americani tentano così di spezzare uno degli ultimi paesi che vogliono controllare il proprio sistema di produzione petrolifera e di gas.
Qual è dunque il legame con la Siria? Se ne parla poco, ma la Siria gioca un ruolo strategico nelle logiche del petrolio e del gas in Medio Oriente.
Ebbene, nel 2009 e nel 2010, poco prima dello scoppio della guerra, la Siria ha operato delle scelte che hanno fortemente contrariato l’Occidente.
Quali i dati del problema?
Dalla fine della guerra fredda gli Stati Uniti hanno cercato di rompere la dipendenza dell’Unione Europea dal gas e dal petrolio russi. Per questo hanno favorito gli oleodotti e gasdotti che si alimentano dalle riserve d’Asia centrale e del Caucaso ma che evitano accuratamente di attraversare lo spazio d’influenza russa.
Hanno in particolar modo incoraggiato il progetto “Nabucco” che parte dall’Asia centrale, passa per la Turchia (per le infrastrutture di stoccaggio) mirando così a rendere l’Unione Europea dipendente dalla Turchia (ricordiamo che gli americani sostengono ardentemente l’inclusione della Turchia nell’UE per il semplice motivo che non vogliono un’Europa-potenza), poi per la Bulgaria, Romania, Ungheria, Austria, Repubblica Ceca, Croazia, Slovenia e Italia.
“Nabucco” è stato chiaramente lanciato per far concorrenza a due progetti russi oggi in funzione:
– Northstream che collega direttamente la Russia alla Germania senza passare per l’Ucraina e la Bielorussia;
– Southstream che collega la Russia all’Europa del sud (Italia, Grecia) e all’Europa Centrale (Austria-Ungheria).
Però “Nabucco” manca d’approvvigionamenti e per far concorrenza ai progetti russi occorrerebbe la possibilità d’accedere:
1/ al gas iraniano che raggiungerebbe il punto di raccolta di Erzurum in Turchia;
2/ al gas del Mediterraneo orientale : Siria, Libano, Israele.
A proposito di quest’ultimo è essenziale sapere che dal 2009 sconvolgimenti considerevoli si sono prodotti nella regione.
Scoperte spettacolari di gas e di petrolio hanno avuto luogo nel Mediterraneo orientale; nel bacino del Levante da una parte, nel mar Egeo dall’altra.
Queste scoperte acuiscono fortemente i contenziosi tra Turchia, Grecia, Cipro, Israele, Libano e Siria.
Nel 2009 la compagnia americana Noble Energy, partner di Israele per la prospezione, ha scoperto il giacimento di Tamar a 80 km da Haifa. E’ stata la più grande scoperta mondiale di gas del 2009 (283 miliardi di m3 di gas naturale) e nel 2009, dunque, lo statuto energetico d’Israele è radicalmente cambiato, passando da una situazione quasi critica (poco più di 3 anni di riserve e una fortissima dipendenza dall’Egitto) a delle eccellenti prospettive. Poi nel dicembre 2010, una scoperta ancor più considerevole ha di colpo dato ad Israele più di 100 anni di autosufficienza in materia di gas! Israele ha scoperto un mega-giacimento off-shore di gas naturale che valuta essere nella sua “zona economica esclusiva”: il giacimento Leviathan.
Leviathan è situato a 135 km ad ovest del porto di Haifa, lo si perfora a 5000 metri di profondità, con 3 compagnie israeliane e la nota compagnia americana Noble Energy. Le sue riserve sono stimate in 450 miliardi di m3 (per avere un ordine di grandezza, le riserve mondiali certe di gas nel 2011 sono di 208,4 bilioni di m3, ossia 208.400 miliardi di m3 e un paese come la Russia ne possiede 44,6 bilioni). In ogni caso nel 2010 Leviathan è stata la più importante scoperta di gas in acque profonde di questi ultimi dieci anni.
Non do qui dettagli sulle scoperte fatte parallelamente nel mar Egeo, ma esse sono considerevoli e vi domando semplicemente di tenere in considerazione che la Grecia è ormai un paese estremamente promettente sul piano del gas, ciò che forse ha a che vedere con lo scatenamento di una crisi europea che porterà presto…alla privatizzazione totale del sistema energetico greco…
Ecco ciò che la US Geological Survey stima a proposito del Mediterraneo orientale (formato nella fattispecie da tre bacini: bacino egeo al largo delle coste greche, turche e cipriote; bacino del Levante al largo delle coste del libano, Israele e Siria; bacino del Nilo al largo delle coste egiziane) :
“Le risorse petrolifere e di gas del bacino del Levante sono stimate a 1,68 miliardi di barili di petrolio e 3450 miliardi di m3 di gas”; “le risorse non scoperte di petrolio e gas della provincia del bacino del Nilo sono stimate a circa 1,76 miliardi di barili di petrolio e 6850 miliardi di m3 di gas naturale”.
La USGS stima che il bacino della Siberia occidentale (il più grande bacino di gas conosciuto) raccoglie 18.200 miliardi di m3 di gas. In poche parole, trattandosi di solo gas, il bacino del Levante rappresenta più della metà del bacino della Siberia occidentale.
Evidentemente queste scoperte hanno acuito le rivalità tra Stati vicini. Israele e Libano rivendicano ciascuno la sovranità su queste riserve e una delle dispute profonde tra il presidente Obama e Benjamin Netanyahu sta nel fatto che gli Stati Uniti nel 2011 hanno appoggiato la posizione libanese contro Israele (poiché Beyruth ritiene che il giacimento si estende anche sotto le sue acque territoriali): sembrerebbe che la posizione americana miri da una parte a mantenere la divisione per giocare un ruolo di mediazione, dall’altra a impedire ad Israele di diventare un attore autosufficiente).
Ora, la questione siriana si trova nel cuore di queste problematiche.
In primo luogo quelle riguardanti “Nabucco”.
Nel novembre 2010, l’Arabia Saudita ed il Qatar hanno chiesto a Bachar el Assad di poter aprire degli oleodotti e gasdotti d’esportazione verso il Mediterraneo orientale. Questi oleodotti avrebbero loro permesso infatti di allentare l’obbligo del trasporto marittimo attraverso lo stretto d’Ormuz, poi il canale di Suez e d’inviare maggior quantità di gas verso l’Europa (particolarmente il Qatar, gigante del gas del Medio Oriente). La Siria ha rifiutato, con il marcato sostegno della Russia che vede in questi piani la volontà americana, francese, saudita e del Qatar di diminuire la dipendenza europea dal gas russo.
Si comprende dunque la competizione che si gioca tra, da una parte, gli occidentali, la Turchia e le monarchie del golfo, dall’altra la Russia, l’Iran e la Siria, ai quali s’è aggiunto l’Iraq diretto dallo sciita Maliki e che si è fortemente ravvicinato a Teheran e Damasco a svantaggio degli americani.
Nel febbraio 2011 i primi torbidi scoppiano in Siria, torbidi che non hanno cessato d’amplificarsi con l’ingerenza da una parte dei combattenti islamisti finanziati dal Qatar e dall’Arabia saudita, dall’altra dei servizi segreti degli occidentali (americani, britannici e francesi).
Il 25 luglio 2011, l’Iran ha sottoscritto degli accordi riguardanti il trasporto del suo gas via Siria e Iraq. Questo accordo fa della Siria il principale centro di stoccaggio e di produzione, in collegamento col Libano; l’idea di Teheran è di allentare così la costrizione dell’embargo. Congelato dalla guerra, il cantiere avrebbe stranamente ripreso il 19 novembre 2012, dopo l’elezione di Obama dunque e la ripresa delle negoziazioni segrete tra gli Stati Uniti e l’Iran.
Dal fatto stesso della sua posizione centrale tra i giacimenti di produzione dell’est (Iraq, monarchie petrolifere) e il Mediterraneo orientale, attraverso il porto di Tartous, che apre la via delle esportazioni verso l’Europa, la Siria è una posta in gioco strategica di primo piano.
Aggiungiamo a ciò la questione del trasferimento del petrolio curdo.
Esiste un oleodotto che oggi incammina il petrolio di Kirkurk (Kurdistan iracheno) attraverso l’Iraq poi la Giordania ed infine Israele. Israele potrebbe così veder rimesso in circolo il vecchio oleodotto Mossoul Haifa (che i Britannici utilizzarono dal 1935 al 1948).
Aggiungiamo a questo che la Siria dispone di riserve nel suo suolo e probabilmente off-shore. Il 16 agosto 2011, il ministero siriano del petrolio ha annunciato la scoperta d’un giacimento di gas a Qara, vicino a Homs, con una capacità di produzione di 400.000 m3 al giorno. Trattando di off-shore, noi abbiamo appena parlato delle stime dell’USGS riguardanti il bacino di Levante; occorre aggiungere questa previsione del Washington Institute for Near East Policy che reputa che la Siria disporrebbe delle riserve di gas più importanti di tutto il bacino mediterraneo orientale, ben superiori ancora a quelle di Israele. Ben potete vedere qui ancora il mio leit motiv e ciò che ho sempre ripetuto: l’avvenire è l’off-shore profondo e questo va a dare al mare una dimensione geopolitica considerevole. Abbandonare il mare e il proprio spazio marittimo è dunque, per qualsiasi paese al mondo, un errore strategico tragico.
E’ dunque evidente che se un cambiamento politico favorevole agli occidentali, ai turchi, sauditi e al Qatar dovesse intervenire in Siria e questa s’isolasse dalla Russia (le navi da guerra russe sono ancorate nel porto strategico di Tartous, che può sicuramente accogliere petroliere rifornite dagli oleodotti che vi giungono), allora tutta la geopolitica energetica della regione sarebbe sconvolta a loro vantaggio. Non dimentichiamo l’Egitto, esportatore di gas naturale, il quale pure si augurerebbe di vedere il proprio gas raccordato alla Turchia attraverso la Siria.
Questo semplice dato riguardante petrolio e gas deve farci comprendere la ragione per la quale la Siria è attaccata da turchi, occidentali e monarchie del Golfo e, inversamente, perché essa non è abbandonata né dai russi, né dagli iraniani né dagli iracheni.
Occorre ora comprendere le dinamiche geopolitiche interne della Siria.
La Siria è un paese di poco più di venti milioni d’abitanti: 80% di arabi sunniti, 10% di alaouiti, una forma di Islam collegata allo sciismo, ma non quello dell’Iran) e 10% di cristiani.
Bachar el Assad ha al suo fianco due milioni di alaouiti ancora più risoluti di lui a battersi per la propria sopravvivenza e parecchi milioni appartenenti a minoranze che non vogliono una gestione sunnita del potere.
Occorre capire chi sono questi alaouiti. Si tratta d’una comunità sorta, nel X secolo, ai limiti dell’impero arabo e di quello bizantino, da una lontana scissione dello sciismo e che pratica un sincretismo comprendente elementi dello sciismo, del panteismo ellenistico, del mazdeismo persiano e del cristianesimo bizantino. E’ assai importante, per la nostra analisi, sapere che gli alaouiti sono considerati dall’Islam sunnita come i peggiori tra gli eretici. Nel XIV secolo, il giureconsulto salafista Ibn Taymiyya, precursore dell’attuale wahhabismo e punto di riferimento di peso degli islamisti del mondo intero, ha emesso una fatwa con cui si chiede la loro persecuzione sistematica ed il loro genocidio.
Questa fatwa è sempre d’attualità presso i salafiti, i wahhabiti e i Fratelli musulmani, vale a dire tutti quelli che il potere alaouita sta affrontando in questo momento !
Prima del colpo di Stato di Hafez el Assad nel 1970, gli alaouiti non conobbero che persecuzioni da parte dell’Islam dominante, il sunnismo.
Occorre inoltre sapere che ancora fino al 1970, i borghesi sunniti acquistavano per contratto notarile dei giovani schiavi alaouiti.
Le cose si sistemarono con l’installazione dell’ideologia nazionalista baathista nel 1963 che poneva il fattore dell’appartenenza araba in primo piano sopra ogni altra considerazione, e ciò soprattutto a partire dal 1970.
Riassumendo, la guerra di oggi non è che il nuovo sanguinoso episodio della guerra dei partigiani d’Ibn Taymiyya contro gli eretici alaouiti, una guerra che dura dal XIV secolo ! Questa fatwa è, a mio avviso, la fonte di un nuovo genocidio potenziale (simile a quello del Ruanda) se il regime dovesse cadere. Ecco un dato essenziale che gli occidentali fanno finta tuttavia di ignorare.
Cacciati e perseguitati per secoli, gli alaouiti dovettero rifugiarsi nelle aride montagne costiere tra il Libano e l’attuale Turchia dando al loro credo un’impronta ermetica ed esoterica, concedendosi pure alla menzogna e alla dissimulazione (la famosa Taqqiya) per sfuggire ai loro torturatori.
Ma allora ci si può domandare: come hanno fatto questi alaouiti a giungere al potere?
Sottomessa alle occupazioni militari straniere da secoli, la borghesia sunnita della Siria (un simile processo si è prodotto in Libano) ha commesso l’errore abituale dei ricchi, al momento dell’indipendenza del paese, nel 1943. Il mestiere delle armi è stato relegato ai poveri e non ai figli di “buona famiglia”. L’esercito è stato dunque costituito dalle minoranze: una maggioranza di alaouiti ma anche di cristiani, ismaeliti, drusi, sciiti.
Hafez el-Assad veniva da una di queste modeste famiglie della comunità alaouita. E’ divenuto capo dell’armata dell’aria poi ministro della difesa, prima d’impadronirsi del potere attraverso un atto di forza al fine di dare alla propria comunità la propria rivincita sulla storia (coi suoi alleati drusi e cristiani).
Ben comprendete dunque con immediatezza che il regime, sostenuto da due milioni di alaouiti, senza dubbio anche da due/tre milioni di altre minoranze ma anche da una parte della borghesia sunnita, particolarmente di Damasco, i cui interessi economici sono ormai legati alla dittatura, non ha altra scelta che quella di lottare fino alla morte.
Quando dico lottare a morte, parlo del regime che io distinguo da Bachar el Assad. Il regime è più potente di Bachar e può sbarazzarsene se valuta che ne va della propria sopravvivenza. Ma eventualmente sbarazzarsene non significa certo installare una democrazia che porterebbe ineluttabilmente (matematicamente) al trionfo degli islamisti, come in Tunisia, in Libia, in Egitto, nello Yemen…
I cristiani di Siria hanno visto ciò che è accaduto ai cristiani d’Iraq dopo la caduta di Saddam Hussein. Vedono ciò che succede oggi in Egitto ai Copti, dopo la vittoria degli islamisti. Anche i drusi sanno, come gli alaouiti, di essere considerati come eretici da distruggere dai combattenti salafiti e dai Fratelli musulmani.
E’ assolutamente illusorio pensare, come si fa in Occidente, che gli alaouiti accetteranno delle riforme democratiche che condurrebbero meccanicamente i salafiti al potere.
Lo ripeto: l’errore consiste nel pensare che il paese sia entrato in guerra civile nel 2011. Lo era già nel 1980 quando un commando di Fratelli musulmani s’introdusse nella scuola cadetti dell’armata dell’aria di Aleppo, separò gli allievi ufficiali sunniti ed alaouiti e massacrò ottanta cadetti alaouiti in applicazione della fatwa d’Ibn Taymiyya. I Fratelli musulmani la pagarono cara nel 1982 a Hama, feudo della confraternita, che lo zio dell’attuale presidente rase al suolo facendovi presumibilmente 20.000 morti. Le violenze infracomunitarie in realtà non hanno mai cessato ma questo ben poco interessava all’Occidente poiché non vi era in quel momento nessuna agenda che contemplasse petrolio e gas con riguardo alla Siria, né nessuna agenda concernente l’Iran.
Si dice che il regime è brutale ed esso è evidentemente d’una incredibile brutalità; non è però il regime in sé che è brutale. La Siria è passata dall’occupazione ottomana e i suoi metodi di scorticamento vivo al mandato francese dal 1920 al 1943, ai vecchi nazisti rifugiatisi a partire dal 1945 i quali sono divenuti consiglieri tecnici e successivamente ai consiglieri del KGB. E’ evidente che non ci sia nulla da sperare da questo regime in materia di diritti dell’uomo, di riforme democratiche…Ma neppure v’è nulla da attendersi dai ribelli islamisti che vogliono prendere il potere e che dispongono di una fatwa fondamentale per organizzare un vero e proprio genocidio degli alaouiti. E d’altronde ci si aspetta qualche cosa dall’Arabia Saudita in materia di diritti dell’uomo?
Abbiamo un vero problema di trattamento dell’informazione a proposito della Siria, come l’avemmo ieri trattandosi dell’Iraq, della Jugoslavia, della Libia. Una volta di più il manicheismo mediatico occidentale è all’opera, la macchina per fabbricare i Buoni e i Cattivi, in realtà in funzione degli interessi occidentali. La fonte unica, e io dico proprio unica, dei media occidentali è l’ OSDH (Osservatorio siriano dei diritti dell’uomo) il quale dà ad esempio all’Agence France Presse lo stato della situazione in Siria, il numero dei morti, dei feriti, le violenze etc …
Allora, cos’è l’OSDH? Si tratta d’una emanazione dei Fratelli musulmani che è diretta da militanti islamisti ed il cui fondatore, Ryadh el Maleh, è stato condannato per atti di violenza. Ha base a Londra dalla fine degli anni ottanta, è sotto la protezione dei servizi britannici ed americani e riceve dei fondi dal Qatar e dall’Arabia Saudita.
Oltre l’OSDH come riferimento mediatico, il referente politico dei media occidentali è il Consiglio Nazionale Siriano, creato nel 2011, a Istanbul, sul modello del CNT libico e su iniziativa del partito islamista turco, l’AKP.
Finanziato dal Qatar, il CNS è stato sciolto nella sua forma iniziale alla conferenza di Doha, all’inizio del mese di novembre 2012, da Washington. Gli Stati Uniti consideravano infatti da mesi che esso non era abbastanza rappresentativo e hanno fatto nascere al suo posto la Coalizione delle Forze dell’opposizione e della rivoluzione. La verità è che gli americani trovavano che la Francia avesse troppa influenza su quel Consiglio dove aveva piazzato l’oppositore siriano sunnita Burhan Ghalioun, professore di Sociologia alla Sorbona. Si ritrova qui una competizione franco-americana simile a quella che s’è prodotta in Libia, dove poco a poco l’influenza francese sui ribelli anti Gheddafi è stata annullata dall’azione sotterranea degli americani. E’ bene dire che se la Francia conta su dei professori di sociologia per difendere i propri interessi in Medio Oriente, essa si espone ad un bel po’ di inconvenienti…
A manovrare dietro le quinte, il temibile e assai intelligente ambasciatore americano Robert S.Ford, considerato come il principale specialista del Medio Oriente al dipartimento di Stato; egli fu l’assistente di John Negroponte dal 2004 al 2006 in Iraq dove applicò lo stesso metodo che in Honduras: l’utilizzo intensivo degli squadroni della morte. Poco prima degli avvenimenti in Siria, fu nominato da Obama ambasciatore a Damasco e assunse le funzioni malgrado l’opposizione del Senato.
Quest’ambasciatore ha fatto porre alla testa della Coalizione delle Forze dell’opposizione e della rivoluzione una persona di cui la stampa non parla: lo sceicco Ahmad Moaz Al-Khatib.
Il suo percorso è interessante e capirete presto perché mi ci soffermo.
Egli è un ingegnere in geofisica che ha lavorato sei anni per la al-Furat Petroleum Company (1985-1991), una joint venture tra la compagnia nazionale siriana e alcune compagnie straniere, tra cui l’anglo-olandese Shell. Nel 1992, eredita da suo padre la prestigiosa carica di predicatore della moschea degli Ommeyyades a Damasco. E’ immediatamente rilevato dalle sue funzioni dal regime baathista ed interdetto da ogni esercizio di predica in tutta la Siria. Perché? Perché in quell’epoca la Siria sostiene l’operazione americana “tempesta nel deserto” per liberare il Kuwait e lo sceicco vi si è opposto per gli stessi motivi religiosi impugnati da Osama Bin Laden: non vuole la presenza occidentale sopra la terra d’Arabia. Questo sceicco si trasferisce in seguito in Qatar poi, nel 2003-2004, ritorna in Siria come lobbysta del gruppo Shell. Ritorna nuovamente in Siria all’inizio del 2012 dove infiamma il quartiere di Douma (sobborgo di Damasco). Arrestato, poi amnistiato lascia il paese in luglio e si installa al Cairo.
La sua famiglia è effettivamente di tradizione sufi, dunque normalmente moderata ma contrariamente a quel che dice l’AFP, è membro della confraternita dei Fratelli musulmani e lo ha mostrato durante il suo discorso d’investitura a Doha. In breve, come Hamid Karzai in Afghanistan, gli americani hanno fatto uscire dal loro cilindro un lobbysta petroliere !
Ora che abbiamo fornito degli elementi d’analisi sulle forze interne alla Siria, guardiamo il gioco delle forze regionali esterne.
Come ho detto, la crisi siriana è scoppiata a causa dell’ingerenza saudita e del Qatar (sostenuta dalle ingerenze francese, britannica ed americana). L’Arabia Saudita ed il Qatar, ciascuno con le proprie clientele, difendono un progetto islamista sunnita per il Medio Oriente. Dalla Libia fino alla Tunisia e l’Egitto hanno sostenuto la primavera araba, si può anche dire che l’abbiano suscitata, portando al potere i Fratelli musulmani e i salafiti, essi stessi in concorrenza per la creazione d’una società arabo islamica riunificata in un solo e medesimo Stato islamico. Ci si potrebbe d’altronde interrogare sulla strana simmetria tra le rivoluzioni colorate sostenute dagli americani alla periferia della Russia all’inizio degli anni 2000 e le rivoluzioni arabe sostenute dal Qatar, l’Arabia Saudita e senza dubbio anche discretamente da Washington, all’inizio del 2010.
In compenso Ryad e Doha hanno bloccato sul nascere lo sbocciare di una primavera sciita nel Bahrein intervenendovi militarmente per salvare la monarchia sunnita di fronte alla sollevazione sciita (ricordiamo che gli sciiti rappresentano il 70% della popolazione del Bahrein e non è per nulla trascurabile la loro presenza pure in Kuwait o negli Emirati). Fu, nel 2011, la seconda volta dopo la guerra del Kuwait che l’accordo di reciproca protezione del Consiglio di Cooperazione del Golfo, detto Scudo del deserto, fu messo in opera.
La primavera araba, di cui certi sottolineano, a giusto titolo, che si è di fatto trasformata in inverno islamista, ha giovato fortemente ai paesi sunniti del Golfo sul piano economico. Dopo la crisi del 2008 che aveva particolarmente toccato gli Emirati Arabi Uniti, le monarchie sunnite del Golfo hanno visto affluire le fortune ammassate sotto le dittature tunisina, libica, egiziana. Questo danaro accumulato sotto i regimi crollati o che stavano per affondare non può più andare in Europa e neppure in Svizzera poiché le regole bancarie (compliance) non lo permettono veramente più. Si dirige dunque essenzialmente verso Dubai.
D’altronde, la caduta delle esportazioni di petrolio e gas libico, dovuta alla guerra del 2011 in Libia, è stata compensata da un aumento sensibile della produzione delle esportazioni dell’Arabia Saudita, del Qatar, degli Emirati Arabi Uniti; ciò che ha drogato l’economia di questi paesi nel 2011 e 2012.
Di fronte al gioco sunnita delle monarchie del Golfo, l’Iraq dominato dagli sciiti, naturalmente l’Iran e la Siria hanno formato un asse che si può qualificare come sciita, poiché gli alaouiti sono un ramo particolare dello sciismo e che cerca di resistere alla terribile alleanza Occidente/Turchia/Monarchie sunnite del Golfo.
In questo gioco complesso si pone allora la questione del gioco d’Israele. Paradossalmente è forse il meno semplice e l’errore consisterebbe nel voler vedere Israele, con faciloneria, come “la mano nascosta che dirige”.
Israele, in effetti, ha per lungo tempo avuto come nemico principale il nazionalismo arabo. L’ideologia baathista ha combattuto l’esistenza di Israele e sostenuto il diritto dei palestinesi a recuperare la loro terra. Il progetto d’un mondo arabo unificato, sviluppato e modernizzato economicamente grazie alle risorse petrolifere, e proiettate verso l’arma atomica (Iraq) ha a lungo costituito l’incubo principale di Tel Aviv.
Ma il nasserismo è morto, il baathismo iracheno dopo di lui, Resta oggi il baathismo siriano, ma è indebolito ed il sogno della Grande Siria nutrito da Damasco si pone in contraddizione da molto tempo col nazionalismo palestinese.
Il problema principale d’Israele ora, sono i Fratelli musulmani che trionfano dappertutto. Essi hanno cominciato ad installarsi, attraverso Hamas, a Gaza (in concorrenza con l’OLP che mantiene la Cisgiordania; questa divisione tra i palestinesi è conforme agli interessi israeliani); sono al potere in Turchia allorché l’esercito turco è stato a lungo un alleato fidato di Israele; ora l’AKP costituisce un problema per gli israeliani (ricordatevi dell’episodio della flotta di Gaza); i Fratelli musulmani sono anche al potere in Egitto dalla caduta di Mubarak (Egitto con cui, dal 1978, gli israeliani hanno un accordo di pace), sono forti in Giordania (con cui c’è un accordo di pace dal 1995), lo sono in Tunisia, in Libia, sono minoritari in Siria e cercano di prendere il potere… In breve, Israele assiste a una marea montante di Fratelli musulmani e di salafiti che dilaga in tutto il Medio Oriente e avanza minaccioso alle sue porte; costoro non sono particolarmente favorevoli al riconoscimento del diritto d’Israele di vivere in pace. Il loro progetto di Stato islamico unificato vede Israele come gli Stati latini crociati del Medio Evo.
Ben lungi quindi la certezza che la politica americana di sostegno agli islamisti sia unanimemente approvata presso gli israeliani. Questi si sentono sempre più soli. Questa politica pro-islamica dell’Occidente potrebbe anche spingere Israele a trovare dei padrini più fidati degli americani: la Russia, la Cina o l’India (che coopera già militarmente ed in maniera rilevante con Israele nel confronto col Pakistan)…
Israele si prepara senza dubbio, in un Medio Oriente in cui gli Stati di oggi cederebbero sempre più il posto a degli Stati o a regioni autonome omogenee sul piano confessionale (sunniti, sciiti, alaouiti…) o etnici (curdi di fronte agli arabi) a delle nuove alleanze al fine di contrastare il pericolo islamista sunnita.
Non si può escludere così un capovolgimento della storia in cui Israele potrebbe nuovamente avvicinarsi all’Iran, intendersi con un Iraq dominato dagli sciiti, ciò che gli permetterebbe di estinguere il problema di Hezbollah libanese, sostenere un piccolo ridotto alaouita in Siria, ugualmente uno Stato curdo …Non dimentichiamoci infatti che il problema principale che determina tutto per gl’israeliani è quello palestinese. Se i palestinesi di Hamas si gettano nelle braccia del Qatar e dell’Arabia Saudita (ricordiamoci della visita storica dell’emiro del Qatar all’inizio di novembre a Gaza), allora l’ipotesi dell’alleanza sciita non è da escludersi.
Come ho già detto, un dato essenziale è che sul piano energetico Israele dispone dell’autosufficienza per il gas e che sul piano petrolifero nulla impedisce domani, se vi fosse il capovolgimento strategico, che il petrolio gli giunga dal Kurdistan iracheno o dagli sciiti dell’Iraq o dell’Iran.
Il nucleare iraniano in tutto questo? La risposta alla prospettiva del nucleare iraniano è, a vostro avviso, in una guerra suicida contro l’Iran o in un’intesa con un futuro Iran nucleare contro l’Islam sunnita? La risposta mi sembra contenuta nella domanda.
Credo personalmente che la relazione USA/Israele sia destinata ad allentarsi semplicemente perché gli americani sono sempre meno governati dal WASP (white anglo-saxons protestants) i quali in molti erano convinti della dimensione sacra d’Israele (cristiani sionisti); per ragioni identitarie (cambiamento etnico della popolazione statunitense) questo fenomeno è quasi irreversibile. Credo che lo stesso problema si ponga in Europa. Il cambiamento di popolazione nell’Europa dell’ovest, l’islamizzazione di una parte della popolazione va a contribuire all’installazione durevole di governi di sinistra o socialdemocratici che saranno sempre meno favorevoli ad Israele e sempre più influenzati da minoranze musulmane attive. Un indicatore di questa tendenza di fondo è che la maggioranza delle estreme destre europee che avevano una tradizione antisemita stanno diventando al contrario antimusulmane e proisraeliane.
In conclusione cerchiamo di tracciare qualche prospettiva, anche se è assai difficile predire l’avvenire in Medio Oriente.
In primo luogo, anche se ha di fronte a sé la maggioranza della sua popolazione, penso che il regime siriano possa tenere a lungo poiché non è isolato. In secondo luogo, la sua coesione interna è forte per le ragioni che evocavo (una guerra di sopravvivenza per le minoranze confessionali al potere); in terzo luogo il sostegno della Russia è fermo. E il regime, infine, non è rinserrato in una enclave poiché è legato ai suoi vicini iracheno ed iraniano che lo sostengono.
Dunque la situazione attuale può perdurare ed il conflitto deteriorarsi. 37.000 morti secondo l’ODSH (fonte, la ribellione) al 10 novembre 2012 e 400.000 rifugiati siriani (Turchia, Libano, Giordania, Iraq)? Certamente sono cifre enormi, ma numerose sono anche le guerre civili che hanno superato 100.000 morti e che si sono risolte col ritorno agli equilibri iniziali. Non è il numero dei morti o anche la maggioranza che determinano l’esito: sono i rapporti di forza reali, interni, regionali e mondiali.
Se il regime comunque arrivasse a crollare, io non considererei neppure per un secondo la possibilità per le minoranze d’accettare di restare nel quadro nazionale attuale senza l’ottenimento di garanzie occidentali estremamente forti quanto alla loro sicurezza fisica. E anche con queste garanzie avrei dei dubbi. Esse segnerebbero la loro sentenza di morte ove si consideri che, stranamente, i francesi e gli americani, i quali sostengono ed armano la ribellione, non hanno richiesto alcun impegno “anti-genocidio” dopo l’eventuale caduta di Bachar. Si può immaginare allora l’Iran e l’Iraq accogliere queste minoranze oppure favorire, con l’appoggio della Russia, la formazione d’un ridotto alaouita con, in particolare, un corridoio strategico fino a Tartous. Il problema, però, resterebbe intero poiché ciò che vogliono gli occidentali è l’accesso siriano al Mediterraneo ed il transito petrolifero e del gas attraverso il territorio della Siria.
Ma a rischio di sorprendervi, penso che l’abbassamento della mediatizzazione da parte dell’Occidente del conflitto siriano è l’indizio di una realtà: l’Occidente sta per perdere la guerra in Siria. Esso può sostenere il terrorismo a Damasco e contro le forze di sicurezza, le quali oppongono una repressione crudele, ma non dispongono della capacità di abbattere l’apparato di sicurezza siriano. L’esercito siriano dispone del dominio dello spazio aereo e non sarà certo dall’oggi al domani che la Francia e gli Stati Uniti si prenderanno la responsabilità di una guerra mondiale con la Russia. Dunque credo che il regime terrà. Si è arrivati alla situazione strana in cui la Francia deve regolare il problema di Al Qaida nel Mali e sostiene indirettamente Al Qaida in Siria. Il mondo è decisamente folle.
Una volta di più, tutto riporta alla questione iraniana. L’Iran è la chiave del futuro Medio Oriente. Se l’Iran ritorna alla sua alleanza strategica con gli Stati Uniti precedente alla rivoluzione sciita islamica del 1979, allora si può pensare che gli Stati Uniti ed Israele si appoggeranno allo sciismo per fare da contrappeso ad un Islam sunnita globalmente ostile all’Occidente. Ma un’altra ipotesi è possibile: che gli USA, la Francia (non dimentichiamo che le priorità oggi sono Doha e Ryad) e la Gran Bretagna, vicini alla Turchia (membro della NATO) restino fortemente alleate alle monarchie sunnite e intrattengono dei buoni rapporti con le repubbliche dominate dai Fratelli musulmani (Tunisia, Egitto, ma anche l’Algeria di domani?) ed allora non si può escludere che Israele si stacchi dall’Occidente per ravvicinarsi ad un asse Russia/mondo sciita ostile alla Turchia e alle monarchie petrolifere.
Resta in sospeso anche l’eterna questione curda con il gioco della Turchia.
Infine non si dovrebbero dimenticare le inquietanti evoluzioni in certi paesi d’Europa dell’ovest come la Francia, il Regno Unito, il Belgio, paesi dove alcune minoranze musulmane sunnite sempre più strutturate sul piano identitario, sempre più rivendicative sul piano dell’Islam, sempre più finanziate dalle monarchie sunnite (vedere gli investimenti del Qatar in Francia), vanno senza dubbio a giocare un ruolo crescente nella definizione delle politiche estere di questi paesi. Come sapete, in materia di politica estera (lo si è visto a lungo trattando della lobby ebraica negli Stati Uniti) non sono le maggioranze dormienti che pesano nella decisione, sono al contrario le minoranze attive organizzate. Ora nell’ovest d’Europa, ciò che si è a lungo chiamata la lobby ebraica è sempre più debole e subisce la concorrenza della lobby pro musulmana o pro araba, particolarmente nei partiti di sinistra.
Una cosa, alla fine, è certa: prima che noi giungiamo a nuovi equilibri nel Medio Oriente, il cammino sarà lastricato di numerose sofferenze…
Aymeric Chauprade