Leçons de la crise chypriote (con traduzione)

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31 mars 2013

Par Jacques Sapir

Il est temps désormais de tirer les leçons de la crise chypriote. Cette dernière a été importante non pas du fait de la taille du pays – Chypre ne représente que 0,2% du PIB de la zone Euro – mais en raison des mesures prises et de leurs conséquences. Elles prouvent que Chypre, aussi petit qu’elles soit, a ébranlé dans ses profondeurs la zone Euro.

La crise de l’Euro est passée dans une phase qualitativement supérieure.

Tout d’abord, cette crise a fait sauter le tabou d’une ponction sur les comptes bancaires. Bien entendu, on ne touchera pas aux comptes de moins de 100 000 euros, en dépit du premier plan de sauvetage, approuvé par l’ensemble de l’Eurogroupe. En tout cas, on n’y touchera pas tout de suite… Mais, l’idée que Chypre constituait un cas exceptionnel, ce qu’a répété François Hollande jeudi 28 mars à la télévision, est morte et bien morte. Klaas Knot, membre du Conseil de la BCE, a ainsi déclaré vendredi 29 mars[1] son accord de principe avec la déclaration très controversée de Jeroen Dijsselbloem le Président de l’Eurogroupe[2]. Cette nouvelle politique découle directement de la pression allemande. Madame Merkel a décidé, à l’occasion de la crise Chypriote, d’indiquer clairement qu’il n’était pas question que le contribuable allemand continue d’être ponctionné[3]. C’est une position que l’on peut parfaitement comprendre. Mais elle porte en elle la fin de la zone Euro et ceci pour deux raisons. D’une part, si l’on peut comprendre que l’on mette à contributions les actionnaires d’une banque, toucher aux déposants est largement contre-productif en raison des effets de panique (le « bank run ») que cela risque de provoquer. Ensuite, si l’Allemagne ne veut plus payer, et elle devrait débourser de 8% à 10% de son PIB chaque année pour que la Zone Euro fonctionne[4], cette dernière est condamnée. Ainsi, cette crise se révèle non pas comme un épisode mineur dans un processus qui serait sous contrôle, comme l’a prétendu notre Président sur France-2, mais bien comme un nouveau saut qualitatif comme le dit Paul de Grauwe, économiste à la London Business School[5]. C’est la seconde leçon que l’on peut tirer de cette crise. Ce saut qualitatif, dont on aura l’occasion de voir les effets sur la Slovénie qui demandera d’ici quelques semaines l’aide de la Troïka, a déjà des conséquences sur les deux pays les plus menacés par la nouvelle doctrine Bruxello-Allemande : l’Espagne et l’Italie. Il faudra surveiller dans les semaines à venir l’évolution du montant des dépôts dans les banques italiennes.

Le marché se plie aux réglementations des États

Ces leçons ne furent pas les seules. Nous avons pu vérifier du 16 mars au 29 mars deux choses importantes. Tout d’abord des contrôles sur les mouvements de capitaux fonctionnent. Certes, ils ne sont pas complètement étanches, mais ils ont empêché la panique bancaire à Chypre lors de la réouverture des banques. Cependant, ces contrôles doivent être complets. Si la fermeture des banques chypriotes n’a pas empêché certains de sortir leur argent, c’est parce que l’on avait omis de fermer les filiales, ou du moins d’interdire à ces dernières toute opération mettant en cause les comptes dans les banques « mères » (Cyprus Popular et Bank of Cyprus). C’est la raison pour laquelle les prélèvements sur les comptes de plus de 100 000 Euros seront au minimum de 60% et non de 30% comme initialement annoncé. Les contrôles n’ont pas été suffisamment réfléchis en amont, où peut-être a-t-on assisté à des connivences à l’intérieur du système bancaire chypriote[6]. Quoi qu’il en soit, il n’aurait pas été très difficile de procéder à une fermeture des banques qui soit réellement étanche.

Mais, cela veut dire que de telles mesures ne s’improvisent pas. Elles doivent être élaborées par des personnes connaissant les diverses astuces, on dirait en franco-russe les « schémas », pour tourner de genre de réglementation. Ceci impose de donner des pouvoirs importants et discrétionnaires à la Banque Centrale du pays concerné, en particulier celui d’interrompre tous les liens informatiques entre les banques, et fait de cette Banque Centrale un élément clef de la sécurité économique du pays qui doit donc repasser impérativement sous la tutelle de l’État. Voilà qui valide, à posteriori ce que j’avais pu écrire en 2006 sur la nécessité d’un « article 16 économique », permettant au gouvernement de s’abstraire des règles normales et des traités signés pour faire respecter le contenu du préambule de la Constitution[7]. J’étais revenu sur ce point dans un document de travail diffusé en avril 2011 et intitulé: “S’il faut sortir de l’euro…“. Il est clair que les mesures nécessaires imposent de subordonner étroitement la Banque Centrale, et donc dans notre cas la Banque de France, au gouvernement, ne serait-ce que de manière temporaire.

 Le contrôle des capitaux et la sortie de l’Euro.

Une autre série de leçons concerne alors les mesures de sauvegarde prises par la Banque Centrale de Chypre, et en particulier l’établissement d’un strict contrôle des changes. Notons, ici encore, que ce retour des contrôles de capitaux, et du contrôle des changes, était prévisible, comme cela avait été dit dans une des notes précédentes[8]. Cela correspond tant à une réalité, comme on a pu le voire dans d’autres pays (Russie, Argentine)[9], qu’à une évolution spectaculaire de la doctrine des organisations internationales, et au premier plan desquelles le FMI[10]. Mais l’important ici est que l’on a, sans drame et sans façons, crée deux euros, l’un chypriote dont la fongibilité est limitée, et l’autre pour le reste de la zone Euro. Les concepteurs de ce système ne ce sont pas rendus compte qu’ils administraient ainsi la démonstration que rien ne serait plus facile que de quitter la zone Euro. Tous les discours sur les aspects catastrophiques d’une telle sortie s’effondrent devant les faits : en réalité, une fois que l’on a accepté de renouer avec une forte « répression financière » (encore que ce sont des gens ou des opinions que l’on puisse réprimer mais certainement pas des flux financiers…), rien ne serait plus simple que de sortir de l’Euro. Comme Alexandre Delaigue l’explique sur le site de France Info : « Comme l’ont remarqué de nombreux commentateurs, depuis que des contrôles des capitaux sont en place à Chypre, si la monnaie chypriote s’appelle toujours l’euro, en pratique, un euro dans une banque chypriote n’est plus équivalent à un euro ailleurs. Les comptes supérieurs à 100 000 euros sont bloqués, les retraits sont limités, ainsi que les capacités de transfert de son argent hors des frontières chypriotes. Tant que ces contrôles sont en place – et on ne sait pas quand ils seront levés – Chypre a une autre devise, dont la parité est officiellement fixée à un euro, comme le dollar des Bahamas par rapport au dollar américain. Ces contrôles lèvent l’un des principaux obstacles avancés jusqu’à présent à la sortie de l’euro d’un pays; la désorganisation économique qui en résulterait, la nécessité de mettre en place des contrôles de capitaux drastiques pour éviter des sorties de devises le temps du changement de monnaie. Ces contrôles sont en place et une bonne partie des sorties de capitaux a déjà eu lieu; En pratique, il devient donc possible pour le pays de revenir à son ancienne devise, la livre chypriote. [11]»

Ainsi, en voulant à tout prix conserver Chypre dans la zone Euro a-t-on administré la démonstration la plus éclatante qu’une telle sortie était techniquement possible sans drame ni crise apocalyptique. Telle n’est pas la moindre des leçons de la crise chypriote, et l’une qu’il convient d’apprendre par cœur.


[1] (Reuters) – European Central Bank Governing Council member Klaas Knot said on Friday there was “little wrong” with Eurogroup chair Jeroen Dijsselbloem’s recipe for dealing with future euro zone banking crises, Reuters, le 29 mars 2013, URL : http://www.reuters.com/article/2013/03/29/us-eurozone-cyprus-ecb-knot-idUSBRE92S05P20130329

[2] Claire Gatinois et Jean-Pierre Stroobants, Les débuts difficiles de Jeroen Dijsselbloem, rebaptisé “Dijsselbourde” , Le Monde, 27 mars 2013, http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/27/les-debuts-difficiles-de-jeroen-dijsselbloem-rebaptise-dijsselbourde_3148601_3234.html

[3] M Persson, « Euro crisis: After the Cyprus bank raid fiasco, Germany is being painted as the EU’s chief villain », The Telegraph,  31 mars 2013, URL : http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/cyprus/9962825/Euro-crisis-After-the-Cyprus-bank-raid-fiasco-Germany-is-being-painted-as-the-EUs-chief-villain.html

[4] Jacques Sapir, “Le coût du fédéralisme dans la zone Euro”, billet publié sur le carnet Russeurope le 10/11/2012, URL: http://russeurope.hypotheses.org/453

[5] RTBF, « Chypre: “La zone euro est devenue plus fragile, le risque a augmenté” », 31 mars 2013, http://www.rtbf.be/info/economie/detail_chypre-la-zone-euro-est-devenue-plus-fragile-le-risque-a-augmente?id=7959913

[6] La Voix de la Russie, « Chypre : la famille du président sort sans préjudice des millions de Laiki Bank », 31 mars 2013, URL : http://french.ruvr.ru/2013_03_31/Chypre-la-famille-du-president-sort-sans-prejudice-des-millions-de-Laiki-Bank/

[7] Jacques Sapir, « La Crise de l’Euro : erreurs et impasses de l’Européisme » in Perspectives Républicaines, n°2, Juin 2006, pp. 69-84.

[8] Jacques Sapir, “Les contrôles de capitaux : une idée qui fait son chemin”, billet publié sur le carnet Russeurope le 29/01/2013, URL: http://russeurope.hypotheses.org/792

[9] B.J. Cohen, “Contrôle des capitaux: pourquoi les gouvernements hésitent-ils?”, in Revue Économique, vol. 52, n°2/mars 2001, pp. 207-232, p. 228.

[10] J. Ostry et al., « Capital Inflows: The Role of Controls », International Monetary Fund Staff Position Note, Washington (D. C.), FMI, 2010

[11] Alexandre Delaigue, « Chypre doit-elle quitter la zone euro? », France-Info, 31 mars 2013, URL : http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2013/03/31/chypre-doit-elle-quitter-la-zone-euro.html


 

Jacques Sapir

Ses travaux de chercheur se sont orientés dans trois dimensions, l’étude de l’économie russe et de la transition, l’analyse des crises financières et des recherches théoriques sur les institutions économiques et les interactions entre les comportements individuels. Il a poursuivi ses recherches à partir de 2000 sur les interactions entre les régimes de change, la structuration des systèmes financiers et les instabilités macroéconomiques. Depuis 2007 il s’est impliqué dans l’analyse de la crise financière actuelle, et en particulier dans la crise de la zone Euro.

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Lezioni dalla crisi a Cipro

31 Mar 2013

Di Jacques Sapir

E’ giunto il momento di trarre insegnamenti dalla crisi a Cipro. Quest’ultima è stata importante non per le dimensioni del paese – Cipro rappresenta solo lo 0,2% del PIL della zona euro – ma a causa delle misure adottate e delle loro conseguenze. Essi mostrano che Cipro, per quanto piccola, ha scosso nelle sue profondità la zona euro.

La crisi dell’euro viene è passata ad una fase qualitativamente più elevata.

In primo luogo, la crisi ha fatto scoppiare il tabù di un prelievo dai conti bancari. Naturalmente, ciò non riguarderà i conti di meno di 100.000 euro, nonostante il primo piano di salvataggio approvato dall’insieme dell’Eurogruppo. In ogni caso, non saranno toccati nell’immediato… Ma l’opinione che Cipro costituisse un caso eccezionale, come ripetuto da François Hollande Giovedi, 28 marzo alla TV è morta e sepolta. Klaas Knot, membro del consiglio della BCE, ha dichiarato, venerdì 29 Marzo [1], il suo accordo di principio con il comunicato particolarmente controverso di Jeroen Dijsselbloem, il Presidente dell’Eurogruppo. [2] Questa nuova politica è il risultato diretto della pressione tedesca. Merkel ha deciso nel corso della crisi cipriota di indicare chiaramente, senza alcun dubbio, che il contribuente tedesco non continuasse ad essere spremuto. [3] Una posizione che possiamo comprendere perfettamente; ma porta con sé la fine della zona euro, per due motivi. Da un lato, se riusciamo a comprendere la contribuzione degli azionisti di una banca, toccare i depositanti è invece ampiamente contro-produttivo a causa degli effetti di panico (la “corsa agli sportelli”) che potrebbero derivare. Dall’altro, se la Germania non vuole pagare e dovrebbe cedere dall’8% al 10% del PIL ogni anno per il funzionamento della zona Euro [4], quest’ultima è destinata a fallire. Così, la crisi non appare come un episodio minore in un processo sotto controllo, come sostiene il nostro Presidente su France-2, ma come un nuovo salto di qualità come sostenuto da Paul de Grauwe, economista presso la London Business School. [5] Questa è la seconda lezione che si può imparare da questa crisi. Questo salto di qualità di cui avremo la possibilità di vedere gli effetti sulla Slovenia, costretta a chiedere nelle prossime settimane aiuto alla Troika, determina già un impatto sui due paesi più minacciati dalla nuova dottrina Bruxello-tedesca: Spagna e Italia. Bisognerà monitorare nelle prossime settimane l’evoluzione dei depositi nelle banche italiane.

Il mercato si piega ai regolamenti statali

Non sono le sole lezioni. Siamo stati in grado di verificare dal 16 marzo -al29 marzo due cose importanti. Prima di tutti i controlli sui movimenti di capitali funzionano. Certo, non sono completamente impermeabili, ma hanno impedito il panico bancario a Cipro al momento della riapertura delle banche. Tuttavia, tali controlli devono essere completi. Se la chiusura delle banche cipriote non ha impedito alcuni dei loro movimenti, è perché hanno omesso di chiudere filiali, o almeno di interdire qualsiasi transazione riguardante i conti radicati nelle banche “madri” (Cipro e Banca Popolare di Cipro). Questo è il motivo per il quale il prelevamento sui conti superiori ai 100 000 euro sarà pari almeno al 60% e non al 30% come inizialmente annunciato. I controlli non sono stati sufficientemente rigorosi a monte, dove forse c’è stata una qualche collusione all’interno del sistema bancario cipriota [6]. In ogni caso, non sarebbe stato molto difficile disporre una chiusura di una banca realmente efficace.

Ma ciò significa che tali misure non si improvvisano. Devono essere elaborate da persone che conoscono i vari trucchi, si direbbe in franco-russo “schemi”, per aggirare questo tipo di regolamentazione. Ciò richiede riconoscere ampi poteri e discrezionalità alla Banca centrale del paese implicato, in particolare di interrompere tutti i collegamenti informatici tra le banche e fa della Banca centrale una componente chiave del sistema di sicurezza economica del paese; deve quindi tornare obbligatoriamente sotto la tutela dello Stato. Ciò conferma a posteriori quello che avevo scritto nel 2006, riguardo alla necessità di un “articolo 16 economico” che permettesse al governo di astrarre dalle normali regole e dai trattati per far rispettare il contenuto del preambolo della Costituzione. [7] Sono tornato a questo punto su un documento di lavoro pubblicato nel mese di aprile 2011 dal titolo: “Se si dovesse uscire dall’euro …”. E’ chiaro che le misure necessarie imporrebbero di subordinare strettamente la Banca Centrale da vicino, quindi in questo caso la Banca di Francia al governo, anche se solo temporaneamente.

Controlli sui capitali e uscita dell’euro.

Un’altra serie di lezioni, riguardano le misure di salvaguardia adottate dalla Banca Centrale di Cipro, e in particolare l’istituzione di un severi controlli valutari. Si noti, ancora una volta, che questo ritorno di controlli sui capitali e sui cambi, era prevedibile, come si è detto nelle note precedenti [8]. Questo corrisponde ad una realtà, come per altro già osservato in altri paesi (Russia, Argentina) [9], a un drastico cambiamento nella dottrina delle organizzazioni internazionali, in primo piano quella del FMI [10] . Ma la cosa importante è che hanno creato, senza drammi e senza alcun problema, due euro, uno cipriota dalla fungibilità limitata, l’altro per il resto della zona. I progettisti di questo sistema non si sono resi conto che essi gestivano la dimostrazione che lasciare la zona euro non sarebbe stato niente di più facile. Tutti i discorsi sugli aspetti catastrofici di tale uscita si dileguano nei fatti: in realtà, una volta che abbiamo accettato di ritornare con un forte “repressione finanziaria” (anche se si tratta di persone o punti di vista dei quali siamo in grado di reprimere, ma di certo non dei flussi finanziari …), nulla sarebbe più facile che uscire dell’euro. Come spiega Alexander Delaigue sul sito France Info: “Come molti commentatori hanno sottolineato, dal momento dell’instaurazione  dei controlli sui capitali in atto a Cipro, la valuta di Cipro si chiama ancora euro; in pratica un euro in una banca cipriota non è equivalente a un euro altrove. I conti oltre i 100 000 sono bloccati, i prelievi sono limitati come la capacità di trasferire denaro oltre i confini di Cipro. Dal momento che questi controlli sono in atto – e non si sa quando saranno rimossi – Cipro ha un’altra valuta, la cui parità è ufficialmente fissato a un euro, come il dollaro delle Bahamas rispetto al dollaro USA. Questi controlli sollevano uno dei principali ostacoli finora avanzati all’uscita dei paesi dall’euro; la disorganizzazione economica che ne deriverebbe, la necessità di attuare controlli drastici sui capitali per evitare deflussi di valuta drastiche durante la transizione. Questi controlli sono in atto e una buona parte dei deflussi di capitali hanno già avuto luogo; in pratica, diventa possibile per il paese tornare alla sua vecchia valuta, la lira sterlina cipriota. [11] ”

Così, nel tentativo di mantenere Cipro ad ogni costo nella zona euro, si è offerta la dimostrazione più lampante che questa uscita è tecnicamente possibile senza drammi o crisi apocalittiche. Non si tratta di una lezione minore da trarre dalla crisi di Cipro; dovrebbe invece essere imparata a memoria.